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claire, et surtout à faire prendre le change au lecteur sur le véritable objet du livre.

Les mêmes critiques, toujours zélés pour la prospérité de la religion, disent :

" On ne doit pas parler de la religion sous les rapports purement humains, ni considérer ses beautés littéraires et poétiques. C’est nuire à la religion même, c’est en ravaler la dignité, c’est toucher au voile du sanctuaire, c’est profaner l’arche sainte, etc., etc. Pourquoi l’auteur ne s’est-il pas contenté d’employer les raisonnements de la théologie ? Pourquoi ne s’est-il pas servi de cette logique sévère qui ne met que des idées saines dans la tête des enfants, confirme dans la foi le chrétien, édifie le prêtre, et satisfait le docteur ? "

Cette objection est, pour ainsi dire, la seule que fassent les critiques ; elle est la base de toutes leurs censures, soit qu’ils parlent du sujet, du plan ou des détails de l’ouvrage. Ils ne veulent jamais entrer dans l’esprit de l’auteur, en sorte qu’il peut leur dire : " On croirait que le critique a juré de n’être jamais au fait de l’état de la question et de n’entendre pas un seul des passages qu’il attaque[1]. "

Toute la force de l’argument, quant à la dernière partie de l’objection, se réduit à ceci :

" L’auteur a voulu considérer le christianisme dans ses relations avec la poésie, les beaux-arts, l’éloquence, la littérature ; il a voulu montrer en outre tout ce que les hommes doivent à cette religion sous les rapports moraux, civils et politiques. Avec un tel projet, il n’a pas fait un livre de théologie ; il n’a pas défendu ce qu’il ne voulait pas défendre ; il ne s’est pas adressé à des lecteurs auxquels il ne voulait pas s’adresser : donc il est coupable d’avoir fait précisément ce qu’il voulait faire. "

Mais en supposant que l’auteur ait atteint son but, devait-il chercher ce but ?

Ceci ramène la première partie de l’objection, tant de fois répétée, qu’il ne faut pas envisager la religion sous le rapport de ses simples beautés humaines, morales, poétiques : c’est en ravaler la dignité, etc., etc.

L’auteur va tâcher d’éclaircir ce point principal de la question dans les paragraphes suivants.

I. D’abord l’auteur n’attaque pas, il défend ; il n’a pas cherché le but, le but lui a été offert : ceci change d’un seul coup l’état de la question et fait tomber la critique. L’auteur ne vient pas vanter de

  1. Montesquieu, Défense de l’Esprit des Lois (N.d.A.)