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A ce symptôme d’un changement dans l’opinion, l’esprit de sophisme s’est alarmé ; il a cru voir s’approcher le terme de sa trop longue faveur. Il a eu recours à toutes les armes ; il a pris tous les déguisements, jusqu’à se couvrir du manteau de la religion pour frapper un livre écrit en faveur de cette religion même.

Il n’est donc plus permis à l’auteur de se taire. Le même esprit qui lui a inspiré son livre le force aujourd’hui à le défendre. Il est assez clair que les critiques dont il est question dans cette défense n’ont pas été de bonne foi dans leur censure : ils ont feint de se méprendre sur le but de l’ouvrage ; ils ont crié à la profanation ; ils se sont donné garde de voir que l’auteur ne parlait de la grandeur, de la beauté, de la poésie même du christianisme, que parce qu’on ne parlait depuis cinquante ans que de la petitesse, du ridicule et de la barbarie de cette religion. Quand il aura développé les raisons qui lui ont fait entreprendre son ouvrage, quand il aura désigné l’espèce de lecteurs à qui cet ouvrage est particulièrement adressé, il espère qu’on cessera de méconnaître ses intentions et l’objet de son travail. L’auteur ne croit pas pouvoir donner une plus grande preuve de son dévouement à la cause qu’il a défendue qu’en répondant aujourd’hui à des critiques, malgré la répugnance qu’il s’est toujours sentie pour ces controverses.

Il va considérer le sujet, le plan et les détails du Génie du Christianisme.

Sujet de l’ouvrage.

On a d’abord demandé si l’auteur avait le droit de faire cet ouvrage. Cette question est sérieuse ou dérisoire. Si elle est sérieuse, le critique ne se montre pas fort instruit de son sujet.

Qui ne sait que dans les temps difficiles tout chrétien est prêtre et confesseur de Jésus-Christ[1] ? La plupart des apologies de la religion chrétienne ont été écrites par des laïques. Aristide, saint Justin, Minucius Félix, Arnobe et Lactance étaient-ils prêtres ? Il est probable que saint Prosper ne fut jamais engagé dans l’état ecclésiastique ; cependant il défendit la foi contre les erreurs des semi-pélagiens : l’Église cite tous les jours ses ouvrages à l’appui de sa doctrine. Quand Nestorius débita son hérésie, il fut combattu par Eusèbe, depuis évêque de Dorylée, mais qui n’était alors qu’un simple avocat. Origène n’avait point encore reçu les ordres lorsqu’il expliqua l’Ecriture dans la Palestine,

  1. S. Hieron., Dial. c. Lucif. (N.d.A.)