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centre d’une immense voûte d’azur ; de ses invisibles réseaux il enveloppe les planètes, et les retient autour de lui comme sa proie ; les mers et les forêts commencent leurs balancements sur le globe, et leurs premières voix s’élèvent pour annoncer à l’univers ce mariage de qui Dieu sera le prêtre, la terre le lit nuptial, et le genre humain la postérité[1].


CHAPITRE II.

Chute de l’Homme. Le Serpent. Un mot hébreu.



On est saisi d’admiration à cette autre vérité marquée dans les Écritures : L’homme mourant pour s’être empoisonné avec le fruit de vie ; l’homme perdu pour avoir goûté au fruit de science, pour avoir su trop connoître le bien et le mal, pour avoir cessé d’être semblable à l’enfant de l’Évangile. Qu’on suppose toute autre défense de Dieu, relative à un penchant quelconque de l’âme : que deviennent la sagesse et la profondeur de l’ordre du Très-Haut ? Ce n’est plus qu’un caprice indigne de la Divinité, et aucune moralité ne résulte de la désobéissance d’Adam. Toute l’histoire du monde, au contraire, découle de la loi imposée à notre premier père. Dieu a mis la science à sa portée : il ne pouvoit la lui refuser, puisque l’homme étoit né intelligent et libre ; mais il lui prédit que s’il veut trop savoir, la connoissance des choses sera sa mort et celle de sa postérité. Le secret de l’existence politique et morale des peuples, les mystères les plus profonds du cœur humain, sont renfermés dans la tradition de cet arbre admirable et funeste.

Or, voici une suite très merveilleuse à cette défense de la sagesse. L’homme tombe, et c’est le démon de l’orgueil qui cause sa chute. L’orgueil emprunte la voix de l’amour pour le séduire, et c’est pour une femme qu’Adam cherche à s’égaler à Dieu : profond développement des deux premières passions du cœur, la vanité et l’amour.

Bossuet, dans ses Élévations à Dieu, où l’on retrouve souvent l’auteur des Oraisons funèbres, dit, en parlant du mystère du serpent, que

  1. Les Mémoires de la Société de Calcutta confirment les vérités de la Genèse. Ils nous montrent la mythologie partagée en trois branches, dont l’une s’étendait aux Indes, l’autre en Grèce et la troisième chez les sauvages de l’Amérique septentrionale ; enfin, cette mythologie venant se rattacher à une plus ancienne tradition, qui est celle même de Moïse. Les voyageurs modernes aux Indes trouvent partout des traces des faits rapportés dans l’Écriture ; après en avoir longtemps contesté l’authenticité, on est obligé de la reconnoître.