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mixtion. Celle-ci engendra à son tour, avec le vent son père, môt ou le limon, et de celui-ci sortirent toutes les générations de l’univers[1]. »

Si nous passons aux philosophes grecs, Thalès, fondateur de la secte Ionique, reconnaissoit l’eau comme principe universel[2]. Platon prétendoit que la Divinité avoit arrangé le monde, mais qu’elle n’avoit pu le créer[3]. Dieu, dit-il, a formé l’univers d’après le modèle existant de toute éternité en lui-même[4]. Les objets visibles ne sont que les ombres des idées de Dieu, seules véritables substances[5]. Dieu fit en outre couler un souffle de sa vie dans les êtres. Il en composa un troisième principe, à la fois esprit et matière, et ce principe est appelé l’âme du monde[6].

Aristote raisonnoit comme Platon sur l’origine de l’univers ; mais il imagina le beau système de la chaîne des êtres, et, remontant d’action en action, il prouva qu’il existe quelque part un premier mobile[7].

Zénon soutenoit que le monde s’arrangea par sa propre énergie ; que la nature est ce tout qui comprend tout ; que ce tout se compose de deux principes, l’un actif, l’autre passif, non existant séparés, mais unis ensemble ; que ces deux principes sont soumis à un troisième, la fatalité ; que Dieu, la matière, la fatalité, ne font qu’un ; qu’ils composent à la fois les roues, le mouvement, les lois de la machine, et obéissent comme parties aux lois qu’ils dictent comme tout[8].

Selon la philosophie d’Épicure, l’univers existe de toute éternité. Il n’y a que deux choses dans la nature, le corps et le vide[9].

Les corps se composent de l’agrégation de parties de matières infiniment petites, les atomes, qui ont un mouvement interne, la gravité : leur révolution se feroit dans le plan vertical, si, par une loi particulière, ils ne décrivoient une ellipse dans le vide[10].

Épicure supposa ce mouvement de déclinaison, pour éviter le système des fatalistes, qui se reproduiroit par le mouvement perpendiculaire de l’atome. Mais l’hypothèse est absurde ; car si la déclinaison

  1. Sanch. ap. Euseb., Prœp Evang., lib. I, cap. X.
  2. Cic., de Nat. Deor., lib. I, no 25.
  3. Tim., p. 28 ; Diog. Laert., lib. III ; Plut., de Gen. Anim., p. 78.
  4. Plat., Tim., p. 29.
  5. id., Rep., lib. VII, p. 516.
  6. id., Tim., p. 34.
  7. Arist., de Gen. An., lib. II. c. III ; Met., lib. XI, c. V ; de Cœl., lib. XI, cap. III, etc.
  8. Laært., l. V ; Stob., Eccl. Phys., c. XIV ; Senec., Consol., c. XXIX ; Cic., de Nat. Deor. ; Anton., lib. VII.
  9. Lucret., lib. II ; Laært., lib. X.
  10. Loc. cit.