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Cicéron se sépare de Térentia pour épouser Publilia sa pupille. Sénèque nous apprend qu’il y avait des femmes qui ne comptaient plus leurs années par consuls, mais par le nombre de leurs maris[1]. Tibère invente les scellarii et les spintriae ; Néron épouse publiquement l’affranchi Pythagore[2], et Héliogabale célèbre ses noces avec Hiéroclès[3].

Ce fut ce même Néron, déjà tant de fois cité, qui institua les fêtes Juvénales. Les chevaliers, les sénateurs et les femmes du premier rang étaient obligés de monter sur le théâtre, à l’exemple de l’empereur, et de chanter des chansons dissolues en copiant les gestes des histrions[4]. Pour le repas de Tigellin, sur l’étang d’Agrippa, on avait bâti des maisons au bord du lac, où les plus illustres Romaines étaient placées vis-à-vis de courtisanes toutes nues. A l’entrée de la nuit, tout fut illuminé[5], afin que les débauches eussent un sens de plus et un voile de moins.

La mort faisait une partie essentielle de ces divertissements antiques. Elle était là pour contraste et pour rehaussement des plaisirs de la vie. Afin d’égayer le repas, on faisait venir des gladiateurs avec des courtisanes et des joueurs de flûte. En sortant des bras d’une infâme, on allait voir une bête féroce boire du sang humain : de la vue d’une prostitution on passait au spectacle des convulsions d’un homme expirant. Quel peuple que celui-là, qui avait placé l’opprobre à la naissance et à la mort, et élevé sur un théâtre les deux grands mystères de la nature pour déshonorer d’un seul coup tout l’ouvrage de Dieu !

Les esclaves qui travaillaient à la terre avaient constamment les fers aux pieds ; pour toute nourriture on leur donnait un peu de pain, d’eau et de sel ; la nuit on les renfermait dans des souterrains qui ne recevaient d’air que par une lucarne pratiquée à la voûte de ces cachots. Il y avait une loi qui défendait de tuer les lions d’Afrique, réservés pour les spectacles de Rome. Un paysan qui eût disputé sa vie contre un de ces animaux eût été sévèrement puni[6]. Quand un malheureux périssait dans l’arène, déchiré par une panthère ou percé par les bois d’un cerf, certains malades couraient se baigner dans son sang et le recevoir sur leurs lèvres avides[7]. Caligula souhaitait que le peuple romain n’eût qu’une seule tête, pour l’abattre d’un seul coup[8]. Ce même empereur, en attendant les jeux du Cirque, nourrissait les lions de chair humaine, et Néron fut sur le point de faire manger des

  1. De Benefic., III, 16. (N.d.A.)
  2. Tacit, Ann., XV, 37. (N.d.A.)
  3. Dion, lib. XXIX, p. 1363 ; Hist. Aug., 10. (N.d.A.)
  4. Tacit., Ann., XIV, 15. (N.d.A.)
  5. Tacit., Ann., XV, 37. (N.d.A.)
  6. Cod. Theod., t. VI, p. 92. (N.d.A.)
  7. Tert., Apologet. (N.d.A.)
  8. Suet, in Vit. (N.d.A.)