Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/526

Cette page n’a pas encore été corrigée

préceptes le véritable citoyen. Il n’y a pas un petit peuple chrétien chez lequel il ne soit plus doux de vivre que chez le peuple antique le plus fameux, excepté Athènes, qui fut charmante, mais horriblement injuste. Il y a une paix intérieure dans les nations modernes, un exercice continuel des plus tranquilles vertus, qu’on ne vit point régner au bord de l’Ilissus et du Tibre. Si la république de Brutus ou la monarchie d’Auguste sortait tout à coup de la poudre, nous aurions horreur de la vie romaine. Il ne faut que se représenter les jeux de la déesse Flore et cette boucherie continuelle de gladiateurs pour sentir l’énorme différence que l’Evangile a mise entre nous et les païens ; le dernier des chrétiens, honnête homme, est plus moral que le premier des philosophes de l’antiquité.

" Enfin, dit Montesquieu, nous devons au christianisme, et dans le gouvernement un certain droit politique, et dans la guerre un certain droit des gens que la nature humaine ne saurait assez reconnaître.

" C’est ce droit qui fait que parmi nous la victoire laisse aux peuples vaincus ces grandes choses : la vie, la liberté, les lois, les biens, et toujours la religion, quand on ne s’aveugle pas soi-même[1]. "

Ajoutons, pour couronner tant de bienfaits, un bienfait qui devrait être écrit en lettres d’or dans les annales de la philosophie :

L’abolition de l’esclavage.


Chapitre XII - Récapitulation générale

Ce n’est pas sans éprouver une sorte de crainte que nous touchons à la fin de notre ouvrage. Les graves idées qui nous l’ont fait entreprendre, la dangereuse ambition que nous avons eue de déterminer, autant qu’il dépendait de nous, la question sur le christianisme, toutes ces considérations nous alarment. Il est difficile de découvrir jusqu’à quel point Dieu approuve que des hommes prennent dans leurs débiles mains la cause de son éternité, se fassent les avocats du Créateur au tribunal de la créature et cherchent à justifier par des raisons humaines ces conseils qui ont donné naissance à l’univers. Ce n’est donc qu’avec une défiance extrême, trop motivée par l’insuffisance

  1. Esprit des lois, liv. XXIV, chap. III. (N.d.A.)