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Mais si personne ne nous conteste sur ce point l’influence de l’Église dans le corps politique, on soutiendra peut-être que cette influence a été funeste au bonheur public et à la liberté. Nous ne ferons qu’une réflexion sur ce vaste et profond sujet : remontons un instant aux principes généraux d’où il faut toujours partir quand on veut atteindre à quelque vérité.

La nature, au moral et au physique, semble n’employer qu’un seul moyen de création : c’est de mêler, pour produire, la force et la douceur. Son énergie paraît résider dans la loi générale des contrastes. Si elle joint la violence à la violence ou la faiblesse à la faiblesse, loin de former quelque chose, elle détruit par excès ou par défaut. Toutes les législations de l’antiquité offrent ce système d’opposition qui enfante le corps politique.

Cette vérité une fois reconnue, il faut chercher les points d’opposition : il nous semble que les deux principaux résident, l’un dans les mœurs du peuple, l’autre dans les institutions à donner à ce peuple. S’il est d’un caractère timide et faible, que sa constitution soit hardie et robuste ; s’il est fier, impétueux, inconstant, que son gouvernement soit doux, modéré, invariable. Ainsi la théocratie ne fut pas bonne aux Egyptiens : elle les asservit sans leur donner les vertus qui leur manquaient ; c’était une nation pacifique : il lui fallait des institutions militaires.

L’influence sacerdotale, au contraire, produisit à Rome des effets admirables : cette reine du monde dut sa grandeur à Numa, qui sut placer la religion au premier rang chez un peuple de guerriers : qui ne craint pas les hommes doit craindre les dieux.

Ce que nous venons de dire du Romain s’applique au Français ; il n’a pas besoin d’être excité, mais d’être retenu. On parle du danger de la théocratie ; mais chez quelle nation belliqueuse un prêtre a-t-il conduit l’homme à la servitude ?

C’est donc de ce grand principe général qu’il faut partir pour considérer l’influence du clergé dans notre ancienne constitution, et non pas de quelques détails particuliers, locaux et accidentels. Toutes ces déclamations contre la richesse de l’Église, contre son ambition, sont de petites vues d’un sujet immense ; c’est considérer à peine la surface des objets, et ne pas jeter un coup d’œil ferme dans leurs profondeurs. Le christianisme était dans notre corps politique comme ces instruments religieux dont les Spartiates se servaient dans les batailles, moins pour animer le soldat que pour modérer son ardeur.

Si l’on consulte l’histoire de nos états généraux, on verra que le clergé a toujours rempli ce beau rôle de modérateur. Il calmait, il adoucissait