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versé de sang que le leur, dont, à la vérité, ils ont été prodigues. Nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit sur ce sujet au livre des Missions.


Chapitre X - Des Lois civiles et criminelles

Rechercher quelle a été l’influence du christianisme sur les lois et sur les gouvernements, comme nous l’avons fait pour la morale et pour la poésie, serait le sujet d’un fort bel ouvrage. Nous indiquerons seulement la route, et nous offrirons quelques résultats, afin d’additionner la somme des bienfaits de la religion.

Il suffit d’ouvrir au hasard les conciles, le droit canonique, les bulles et les rescrits de la cour de Rome, pour se convaincre que nos anciennes lois recueillies dans les capitulaires de Charlemagne, dans les formules de Marculfe, dans les ordonnances des rois de France, ont emprunté une foule de règlements à l’Église, ou plutôt qu’elles ont été rédigées en partie par de savants prêtres ou des assemblées d’ecclésiastiques.

De temps immémorial les évêques et les métropolitains ont eu des droits assez considérables en matière civile. Ils étaient chargés de la promulgation des ordonnances impériales relatives à la tranquillité publique ; on les prenait pour arbitres dans les procès : c’étaient des espèces de juges de paix naturels que la religion avait donnés aux hommes. Les empereurs chrétiens, trouvant cette coutume établie, la jugèrent si salutaire[1], qu’ils la confirmèrent par des articles de leurs codes. Chaque gradué, depuis le sous-diacre jusqu’au souverain pontife, exerçait une petite juridiction, de sorte que l’esprit religieux agissait par mille points et de mille manières sur les lois. Mais cette influence était-elle favorable ou dangereuse aux citoyens ? Nous croyons qu’elle était favorable.

D’abord, dans tout ce qui s’appelle administration, la sagesse du clergé a constamment été reconnue, même des écrivains les plus opposés au christianisme[2]. Lorsqu’un État est tranquille, les hommes ne font pas le mal pour le seul plaisir de le faire. Quel intérêt un concile pouvait-il avoir à porter une loi inique touchant l’ordre des successions ou les conditions d’un mariage ? Ou pourquoi un official ou un simple

  1. Eus., de Vit, Const., lib. XV, cap. XXVII ; Sozom., lib. I, cap. IX ; Cod. Justin., lib. I, lit. IV, leg. 7. (N.d.A.)
  2. Voyez Voltaire, dans l’Essai sur les Mœurs. (N.d.A.)