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Chapitre VIII - Villes et villages, ponts, grands chemins, etc

Mais si le clergé a défriché l’Europe sauvage, il a aussi multiplié nos hameaux, accru et embelli nos villes. Divers quartiers de Paris, tels que ceux de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-l’Auxerrois, se sont élevés en partie aux frais des abbayes du même nom[1]. En général, partout où il se trouvait un monastère, là se formait un village : la Chaise-Dieu, Abbeville et plusieurs autres lieux, portent encore dans leurs noms la marque de leur origine. La ville de Saint-Sauveur, au pied du Mont-Cassin, en Italie, et les bourgs environnants, sont l’ouvrage des religieux de Saint-Benoît. A Fulde, à Mayence, dans tous les cercles ecclésiastiques de l’Allemagne, en Prusse, en Pologne, en Suisse, en Espagne, en Angleterre, une foule de cités ont eu pour fondateurs des ordres monastiques ou militaires. Les villes qui sont sorties le plus tôt de la barbarie sont celles mêmes qui ont été soumises à des princes ecclésiastiques. L’Europe doit la moitié de ses monuments et de ses fondations utiles à la munificence des cardinaux, des abbés et des évêques.

Mais on dira peut-être que ces travaux n’attestent que la richesse immense de l’Église.

Nous savons qu’on cherche toujours à atténuer les services : l’homme hait la reconnaissance. Le clergé a trouvé des terres incultes : il y a fait croître des moissons. Devenu opulent par son propre travail, il a appliqué ses revenus à des monuments publics. Quand vous lui reprochez des biens si nobles et dans leur emploi et dans leur source, vous l’accusez à la fois du crime de deux bienfaits.

L’Europe entière n’avait ni chemins ni auberges ; ses forêts étaient remplies de voleurs et d’assassins ; ses lois étaient impuissantes, ou plutôt il n’y avait point de lois : la religion seule, comme une grande colonne élevée au milieu des ruines gothiques, offrait des abris et un point de communication aux hommes.

Sous la seconde race de nos rois, la France étant tombée dans l’anarchie la plus profonde, les voyageurs étaient surtout arrêtés, dépouillés et massacrés aux passages des rivières. Des moines habiles et courageux entreprirent de remédier à ces maux. Ils formèrent entre eux une compagnie, sous le nom d’Hospitaliers pontifes ou faiseurs de

  1. Histoire de la ville de Paris. (N.d.A.)