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du manteau de la religion. Qui n’admirera la pieuse industrie de ce pontife qui plaça des images chrétiennes sur les beaux débris des Thermes de Dioclétien ? Le Panthéon n’existerait plus s’il n’eût été consacré par le culte des apôtres, et la colonne Trajane ne serait pas debout si la statue de saint Pierre ne l’eût couronnée.

Cet esprit conservateur se faisait remarquer dans tous les ordres de l’Église. Tandis que les dépouilles qui ornaient le Vatican surpassaient les richesses des anciens temples, de pauvres religieux protégeaient dans l’enceinte de leurs monastères les ruines des maisons de Tibur et de Tusculum et promenaient l’étranger dans les jardins de Cicéron et d’Horace. Un Chartreux vous montrait le laurier qui croît sur la tombe de Virgile, et un pape couronnait le Tasse au Capitole.

Ainsi depuis quinze cents ans l’Église protégeait les sciences et les arts ; son zèle ne s’était ralenti à aucune époque. Si dans le VIIIe siècle le moine Alcuin enseigne la grammaire à Charlemagne, dans le XVIIIe un autre moine industrieux et patient[1] trouve un moyen de dérouler les manuscrits d’Herculanum ; si en 740 Grégoire de Tours décrit les antiquités des Gaules, en 1754 le chanoine Mozzochi explique les tables législatives d’Héraclée. La plupart des découvertes qui ont changé le système du monde civilisé ont été faites par des membres de l’Église. L’invention de la poudre à canon, et peut-être celle du télescope, sont dues au moine Roger Bacon ; d’autres attribuent la découverte de la poudre au moine allemand Berthold Schwartz ; les bombes ont été inventées par Galen, évêque de Munster ; le diacre Flavio de Gioia, Napolitain, a trouvé la boussole ; le moine Despina les lunettes, et Pacificus, archevêque de Vérone, ou le pape Silvestre II, l’horloge à roues. Que de savants, dont nous avons déjà nommé un grand nombre dans le cours de cet ouvrage, ont illustré les cloîtres ou ajouté de la considération aux chaires éminentes de l’Église ! Que d’écrivains célèbres ! que d’hommes de lettres distingués ! que d’illustres voyageurs ! que de mathématiciens, de naturalistes, de chimistes, d’astronomes, d’antiquaires ! que d’orateurs fameux ! que d’hommes d’État renommés ! Parler de Suger, de Ximenès, d’Alberoni, de Richelieu, de Mazarin, de Fleury, n’est-ce pas rappeler à la fois les plus grands ministres et les plus grandes choses de l’Europe moderne ?

Au moment même où nous traçons ce rapide tableau des bienfaits de l’Église, l’Italie en deuil rend un témoignage touchant d’amour et de reconnaissance à la dépouille mortelle de Pie VI[2]. La capitale du

  1. Barthélemi, Voyage en Italie. (N.d.A.)
  2. En l’année 1800. (N.d.A.)