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missions au Canada, au Paraguay, à la Chine, et vous verrez que le peu de mal dont on les accuse ne balance pas un moment les services qu’ils ont rendus à la société.


Chapitre VI - Papes et cour de Rome, découvertes modernes, etc

Avant de passer aux services que l’Église a rendus à l’agriculture, rappelons ce que les papes ont fait pour les sciences et les beaux-arts. Tandis que les ordres supérieurs travaillaient dans toute l’Europe à l’éducation de la jeunesse, à la découverte des manuscrits, à l’explication de l’antiquité, les pontifes romains, prodiguant aux savants les récompenses et jusqu’aux honneurs du sacerdoce, étaient le principe de ce mouvement général vers les lumières. Certes, c’est une grande gloire pour l’Église qu’un pape ait donné son nom au siècle qui commence l’ère de l’Europe civilisée, et qui, s’élevant du milieu des ruines de la Grèce, emprunta ses clartés du siècle d’Alexandre pour les réfléchir sur le siècle de Louis.

Ceux qui représentent le christianisme comme arrêtant le progrès des lumières contredisent manifestement les témoignages historiques. Partout la civilisation a marché sur les pas de l’Evangile, au contraire des religions de Mahomet, de Brama et de Confucius, qui ont borné les progrès de la société et forcé l’homme à vieillir dans son enfance.

Rome chrétienne était comme un grand port qui recueillait tous les débris des naufrages des arts. Constantinople tombe sous le joug des Turcs : aussitôt l’Église ouvre mille retraites honorables aux illustres fugitifs de Byzance et d’Athènes. L’imprimerie, proscrite en France, trouve une retraite en Italie. Des cardinaux épuisent leurs fortunes à fouiller les ruines de la Grèce et à acquérir des manuscrits. Le siècle de Léon X avait paru si beau au savant abbé Barthélemi, qu’il l’avait d’abord préféré à celui de Périclès pour sujet de son grand ouvrage : c’était dans l’Italie chrétienne qu’il prétendait conduire un moderne Anacharsis.

" A Rome, dit-il, mon voyageur voit Michel-Ange élevant la coupole de Saint-Pierre ; Raphaël peignant les galeries du Vatican ; Sadolet et Bembe, depuis cardinaux, remplissant alors auprès de Léon X la place de secrétaires ; Le Trissin donnant la première représentation de Sophonisbe, première tragédie composée par un moderne ; Béroald, bibliothécaire du Vatican, s’occupant à publier les Annales de Tacite,