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Saint Vincent de Paul fut puissamment secondé par Mlle Legras, qui, de concert avec lui, établit les Sœurs de la Charité. Elle eut aussi la direction de l’hôpital du nom de Jésus, qui, d’abord fondé pour quarante pauvres, a été l’origine de l’hôpital général de Paris. Pour emblème et pour récompense d’une vie consumée dans les travaux les plus pénibles, Mlle Legras demanda qu’on mît sur son tombeau une petite croix avec ces mots : Spes mea. Sa volonté fut faite.

Ainsi de pieuses familles se disputaient, au nom du Christ, le plaisir de faire du bien aux hommes. La femme du chancelier de France et Mme Fouquet étaient de la congrégation des Dames de la Charité. Elles avaient chacune leur jour pour aller instruire et exhorter les malades, leur parler des choses nécessaires au salut d’une manière touchante et familière. D’autres dames recevaient les aumônes, d’autres avaient soin du linge, des meubles, des pauvres, etc. Un auteur dit que plus de sept cents calvinistes rentrèrent dans le sein de l’Église romaine parce qu’ils reconnurent la vérité de sa doctrine dans les productions d’une charité si ardente et si étendue. Saintes dames de Miramion, de Chantal, de La Peltrie, de Lamoignon, vos œuvres ont été pacifiques ! Les pauvres ont accompagné vos cercueils ; ils les ont arrachés à ceux qui les portaient pour les porter eux-mêmes ; vos funérailles retentissaient de leurs gémissements, et l’on eût cru que tous les cœurs bienfaisants étaient passés sur la terre parce que vous veniez de mourir.

Terminons par une remarque essentielle cet article des institutions du christianisme en faveur de l’humanité souffrante [NOTE 38]. On dit que sur le mont Saint-Bernard un air trop vif use les ressorts de la respiration, et qu’on y vit rarement plus de dix ans : ainsi, le moine qui s’enferme dans l’hospice peut calculer à peu près le nombre de jours qu’il restera sur la terre ; tout ce qu’il gagne au service ingrat des hommes, c’est de connaître le moment de la mort, qui est caché au reste des humains. On assure que presque toutes les filles de l’hôtel-Dieu ont habituellement une petite fièvre qui les consume et qui provient de l’atmosphère corrompue où elles vivent ; les religieux qui habitent les mines du Nouveau-Monde, au fond desquelles ils ont établi des hospices dans une nuit éternelle pour les infortunés Indiens, ces religieux abrègent aussi leur existence ; ils sont empoisonnés par la vapeur métallique ; enfin, les Pères qui s’enferment dans les bagnes pestiférés de Constantinople se dévouent au martyre le plus prompt.

Le lecteur nous le pardonnera si nous supprimons ici les réflexions ; nous avouons notre incapacité à trouver des louanges dignes de telles