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Chapitre III - Hôtel-Dieu, Sœurs grises

Nous venons à ce moment où la religion a voulu, comme d’un seul coup et sous un seul point de vue, montrer qu’il n’y a pas de souffrances humaines qu’elle n’ose envisager ni de misère au-dessus de son amour.

La fondation de l’Hôtel-Dieu remonte à saint Landry, huitième évêque de Paris. Les bâtiments en furent successivement augmentés par le chapitre de Notre-Dame, propriétaire de l’hôpital, par saint Louis, par le chancelier Duprat et par Henri IV ; en sorte qu’on peut dire que cette retraite de tous les maux s’élargissait à mesure que les maux se multipliaient, et que la charité croissait à l’égal des douleurs.

L’hôpital était desservi dans le principe par des religieux et des religieuses sous la règle de Saint-Augustin, mais depuis longtemps les religieuses seules y sont restées. " Le cardinal de Vitry, dit Hélyot, a voulu sans doute parler des religieuses de l’hôtel-Dieu, lorsqu’il dit qu’il y en avait qui, se faisant violence, souffraient avec joie et sans répugnance l’aspect hideux de toutes les misères humaines, et qu’il lui semblait qu’aucun genre de pénitence ne pouvait être comparé à cette espèce de martyre.

" Il n’y a personne, continue l’auteur que nous citons, qui, en voyant les religieuses de l’hôtel-Dieu non seulement panser, nettoyer les malades, faire leurs lits, mais encore au plus fort de l’hiver casser la glace de la rivière qui passe au milieu de cet hôpital, et y entrer jusqu’à la moitié du corps pour laver leurs linges pleins d’ordures et de vilenies, ne les regarde comme autant de saintes victimes qui, par un excès d’amour et de charité pour secourir leur prochain, courent volontiers à la mort qu’elles affrontent, pour ainsi dire, au milieu de tant de puanteur et d’infection causées par le grand nombre des malades. "

Nous ne doutons point des vertus qu’inspire la philosophie ; mais elles seront encore bien plus frappantes pour le vulgaire, ces vertus, quand la philosophie nous aura montré de pareils dévouements. Et cependant la naïveté de la peinture d’Hélyot est loin de donner une idée complète des sacrifices de ces femmes chrétiennes : cet historien