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des idées de pureté autour d’elles, elles étaient de blanc, d’où on les nommait aussi filles blanches. Dans quelques villes on leur mettait une couronne sur la tête et l’on chantait Veni, sponsa Christi : " Venez épouse du Christ. " Ces contrastes étaient touchants, et cette délicatesse bien digne d’une religion qui sait secourir sans offenser et ménager les faiblesses du cœur humain, tout en l’arrachant à ses vices. A l’hôpital du Saint-Esprit, à Rome, il est défendu de suivre les personnes qui déposent les orphelins à la porte du Père-Universel.

Il y a dans la société des malheureux qu’on n’aperçoit pas, parce que, descendus de parents honnêtes, mais indigents, ils sont obligés de garder les dehors de l’aisance dans les privations de la pauvreté ; il n’y a guère de situation plus cruelle : le cœur est blessé de toutes parts, et pour peu qu’on ait l’âme élevée, la vie n’est qu’une longue souffrance. Que deviendront les malheureuses demoiselles nées dans de telles familles ? Iront-elles chez des parents riches et hautains se soumettre à toutes sortes de mépris, ou embrasseront-elles des métiers que les préjugés sociaux et leur délicatesse naturelle leur défendent ? La religion a trouvé le remède. Notre-Dame de Miséricorde ouvre à ces femmes sensibles ses pieuses et respectables solitudes. Il y a quelques années que nous n’aurions osé parler de Saint-Cyr, car il était alors convenu que de pauvres filles nobles ne méritaient ni asile ni pitié.

Dieu a différentes voies pour appeler à lui ses serviteurs. Le capitaine Caraffa sollicitait à Naples la récompense des services militaires qu’il avait rendus à la couronne d’Espagne. Un jour, comme il se rendait au palais, il entre par hasard dans l’église d’un monastère. Une jeune religieuse chantait ; il fut touché jusqu’aux larmes de la douceur de sa voix : il jugea que le service de Dieu doit être plein de délices, puisqu’il donne de tels accents à ceux qui lui ont consacré leurs jours. Il retourne à l’instant chez lui, jette au feu ses certificats de service, se coupe les cheveux, embrasse la vie monastique, et fonde l’ordre des Ouvriers pieux, qui s’occupe en général du soulagement des infirmités humaines. Cet ordre fit d’abord peu de progrès, parce que, dans une peste qui survint à Naples, les religieux moururent tous en assistant les pestiférés, à l’exception de deux prêtres et de trois clercs.

Pierre de Bétancourt, frère de l’ordre de Saint-François, étant à Guatimala, ville et province de l’Amérique espagnole, fut touché du sort des esclaves qui n’avaient aucun lieu de refuge pendant leurs maladies. Ayant obtenu par aumône le don d’une chétive maison où il tenait auparavant une école pour les pauvres, il bâtit lui-même une