Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/483

Cette page n’a pas encore été corrigée

ces offices. " A une table devant le roi, dit le sire de Joinville, mangeoit le roi de Navarre, qui moult estoit paré et aourné de drap d’or, en cotte et mantel, la ceinture, le fermail et chapel d’or fin, devant lequel je tranchoys. "

L’écuyer suivait le chevalier à la guerre, portait sa lance et son heaume élevé sur le pommeau de la selle, et conduisait ses chevaux en les tenant par la droite. " Quand il entra dans la forest, il rencontra quatre escuyers qui menoient quatre blancs dextriers en dextre. " Son devoir, dans les duels et batailles, était de fournir des armes à son chevalier, de le relever quand il était abattu, de lui donner un cheval frais, de parer les coups qu’on lui portait, mais sans pouvoir combattre lui-même.

Enfin, lorsqu’il ne manquait plus rien aux qualités du poursuivant d’armes, il était admis aux honneurs de la chevalerie. Les lices d’un tournoi, un champ de bataille, le fossé d’un château, la brèche d’une tour, étaient souvent le théâtre honorable où se conférait l’ordre des vaillants et des preux. Dans le tumulte d’une mêlée, de braves écuyers tombaient aux genoux du roi ou du général, qui les créait chevaliers en leur frappant sur l’épaule trois coups du plat de son épée. Lorsque Bayard eut conféré la chevalerie à François Ier : " Tu es bien heureuse, dit-il en s’adressant à son épée, d’avoir aujourd’hui, à un si beau et si puissant roi, donné l’ordre de la chevalerie ; certes, ma bonne épée, vous serez comme reliques gardée, et sur toute autre honorée. " Et puis, ajoute l’historien, fit deux saults ; et après remit au fourreau son espée.

A peine le nouveau chevalier jouissait-il de toutes ses armes, qu’il brûlait de se distinguer par quelques faits éclatants. Il allait par monts et par vaux, cherchant périls et aventures ; il traversait d’antiques forêts, de vastes bruyères, de profondes solitudes. Vers le soir il s’approchait d’un château dont il apercevait les tours solitaires ; il espérait achever dans ce lieu quelque terrible fait d’armes. Déjà il baissait sa visière et se recommandait à la dame de ses pensées, lorsque le son et un cor se faisait entendre. Sur les faîtes du château s’élevait un heaume, enseigne éclatante de la demeure d’un chevalier hospitalier. Les ponts-levis s’abaissaient, et l’aventureux voyageur entrait dans ce manoir écarté. S’il voulait rester inconnu, il couvrait son écu d’une housse, ou d’un voile vert, ou d’une guimpe plus fine que fleur de lys. Les dames et les damoiselles s’empressaient de le désarmer, de lui donner de riches habits, de lui servir des vins précieux dans des vases de cristal. Quelquefois il trouvait son hôte dans la joie : " Le seigneur Amanieu des Escas, au sortir de table, étant l’hiver auprès d’un bon