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Chapitre III - Chevaliers de Calatrave et de Saint-Jacques-de-l’Epée, en Espagne

La chevalerie faisait au centre de l’Europe les mêmes progrès qu’aux deux extrémités de cette partie du monde.

Vers l’an 1147, Alphonse le Batailleur, roi de Castille, enlève aux Maures la place de Calatrave en Andalousie. Huit ans après les Maures se préparent à la reprendre sur don Sanche, successeur d’Alphonse. Don Sanche, effrayé de ce dessein, fait publier qu’il donne la place à quiconque voudra la défendre. Personne n’ose se présenter, hors un bénédictin de l’ordre de Cîteaux, dom Didace Vilasquès, et Raymond son abbé. Ils se jettent dans Calatrave avec les paysans et les familles qui dépendaient de leur monastère de Fitero ; ils font prendre les armes aux frères convers, et fortifient la ville menacée. Les Maures étant informés de ces préparatifs renoncent à leur entreprise : la place demeure à l’abbé Raymond, et les frères convers se changent en chevaliers du nom de Calatrava.

Ces nouveaux chevaliers firent dans la suite plusieurs conquêtes sur les Maures de Valence et de Jaën : Favera, Maella, Macalon, Valdetormo, la Fresueda, Valderobbes, Calenda, Aqua-Viva, Ozpipa, tombèrent tour à tour entre leurs mains. Mais l’ordre reçut un échec irréparable à la bataille d’Alarcos, que les Maures d’Afrique gagnèrent en 1195 sur le roi de Castille. Les chevaliers de Calatrave y périrent presque tous avec ceux d’Alcantara et de Saint-Jacques-de-l’Epée.

Nous n’entrerons dans aucun détail touchant ces derniers, qui eurent aussi pour but de combattre les Maures et de protéger les voyageurs contre les incursions des infidèles[1].

Il suffit de jeter les yeux sur l’histoire à l’époque de l’institution de la chevalerie religieuse pour reconnaître les importants services qu’elle a rendus à la société. L’ordre de Malte, en Orient, a protégé le commerce et la navigation renaissante, et a été pendant plus d’un siècle le seul boulevard qui empêchât les Turcs de se précipiter sur l’Italie ; dans le Nord, l’Ordre Teutonique, en subjuguant les peuples errants sur les bords de la Baltique, a éteint le foyer de ces terribles éruptions qui ont tant de fois désolé l’Europe : il a donné le temps à la civilisation de faire des progrès et de perfectionner ces nouvelles

  1. Shoonbeck, Giustiniani, Hélyot, Fleury et Mariana. (N.d.A.)