Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/475

Cette page n’a pas encore été corrigée

Chapitre I - Chevaliers de Malte

Il n’y a pas un beau souvenir, pas une belle institution dans les siècles modernes que le christianisme ne réclame. Les seuls temps poétiques de notre histoire, les temps chevaleresques, lui appartiennent encore ; la vraie religion a le singulier mérite d’avoir créé parmi nous l’âge de la féerie et des enchantements.

M. de Sainte-Palaye semble vouloir séparer la chevalerie militaire de la chevalerie religieuse, et tout invite au contraire à les confondre. Il ne croit pas qu’on puisse faire remonter l’institution de la première au delà du XIe siècle[1] : or, c’est précisément l’époque des croisades qui donna naissance aux Hospitaliers, aux Templiers et à l’Ordre Teutonique[2]. La loi formelle par laquelle la chevalerie militaire s’engageait à défendre la foi, la ressemblance de ses cérémonies avec celles des sacrements de l’Église, ses jeûnes, ses ablutions, ses confessions, ses prières, ses engagements monastiques[3], montrent suffisamment que tous les chevaliers avaient la même origine religieuse. Enfin, le vœu de célibat, qui parait établir une différence essentielle entre des héros chastes et des guerriers qui ne parlent que d’amour, n’est pas une chose qui doive arrêter ; car ce vœu n’était pas général dans les ordres militaires chrétiens. Les chevaliers de Saint-Jacques-de-l’Epée, en Espagne, pouvaient se marier[4], et dans l’ordre de Malte on n’est obligé de renoncer au lien conjugal qu’en

  1. Mém. sur l’anc. chev., t. I, IIe part., p. 66. (N.d.A.)
  2. Hén., Hist. de France, t. I, p. 167 ; Fleury, Hist. ecclés., t. XIV, p. 387 ; t. XV, p. 604 ; Hélyot, Hist. des Ordres relig., t. III, p. 74, 143. (N.d.A.)
  3. Sainte-Palaye, loc. cit., et la note 11. (N.d.A.)
  4. Fleury, Hist. ecclés., t. XV, liv. LXXII, p. 406, édit. 1719, in-4 o. (N.d.A.)