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par son air et par ses discours, l’envie d’aller partager avec lui des croix auxquelles le Seigneur attachait tant d’onction[1]. "

Voilà de ces joies et de ces larmes telles que Jésus-Christ les a véritablement promises à ses élus.

Ecoutons encore l’historien de la Nouvelle-France :

" Rien n’était plus apostolique que la vie qu’ils menaient (les missionnaires chez les Hurons). Tous leurs moments étaient comptés par quelque action héroïque, par des conversions ou par des souffrances, qu’ils regardaient comme de vrais dédommagements, lorsque leurs travaux n’avaient pas produit tout le fruit dont ils s’étaient flattés. Depuis quatre heures du matin qu’ils se levaient, lorsqu’ils n’étaient pas en course, jusqu’à huit, ils demeuraient ordinairement renfermés : c’était le temps de la prière et le seul qu’ils eussent de libre pour leurs exercices de piété. A huit heures chacun allait où son devoir l’appelait : les uns visitaient les malades ; les autres suivaient, dans les campagnes, ceux qui travaillaient à cultiver la terre ; d’autres se transportaient dans les bourgades voisines qui étaient destituées de pasteurs. Ces causes produisaient plusieurs bons effets ; car, en premier lieu, il ne mourait point ou il mourait bien peu d’enfants sans baptême ; des adultes mêmes, qui avaient refusé de se faire inscrire tandis qu’ils étaient en santé, se rendaient dès qu’ils étaient malades ; ils ne pouvaient tenir contre l’industrieuse et constante charité de leurs médecins[2]. "

Si l’on trouvait de pareilles descriptions dans le Télémaque, on se récrierait sur le goût simple et touchant de ces choses ; on louerait avec transport la fiction du poète, et l’on est insensible à la vérité présentée avec les mêmes attraits.

Ce n’était là que les moindres travaux de ces hommes évangéliques : tantôt ils suivaient les sauvages dans des chasses qui duraient plusieurs années, et pendant lesquelles ils se trouvaient obligés de manger jusqu’à leur vêtement. Tantôt ils étaient exposés aux caprices de ces Indiens, qui, comme des enfants, ne savent jamais résister à un mouvement de leur imagination ou de leurs désirs. Mais les missionnaires s’estimaient récompensés de leurs peines s’ils avaient durant leurs longues souffrances acquis une âme à Dieu, ouvert le ciel à un enfant, soulagé un malade, essuyé les pleurs d’un infortuné. Nous avons déjà vu que la patrie n’avait point de citoyens plus fidèles ; l’honneur d’être Français leur valut souvent la persécution et la mort :

  1. Charlevoix, Hist. de la Nouv.-France, in-4 o, t. I, liv. V, p. 200. (N.d.A.)
  2. Charlevoix, Hist. de la Nouv.-France, in-4 o, t. I, liv. V, p. 217. (N.d.A.)