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dans le cœur, comme dans son véritable siège, la simplicité qu’il bannissait de l’esprit, inspirant à la fois par ses mœurs et son savoir une profonde vénération pour son Dieu et une haute estime pour sa patrie.

Il était beau pour la France de voir ces simples religieux régler à la Chine les fastes d’un grand empire. On se proposait des questions de Pékin à Paris ; la chronologie, l’astronomie, l’histoire naturelle fournissaient des sujets de discussions curieuses et savantes. Les livres chinois étaient traduits en français, les français en chinois. Le père Parennin, dans sa lettre adressée à Fontenelle, écrivait à l’Académie des Sciences :

" Messieurs,

" Vous serez peut-être surpris que je vous envoie de si loin un traité d’anatomie, un cours de médecine et des questions de physique écrites en une langue qui sans doute vous est inconnue : mais votre surprise cessera quand vous verrez que ce sont vos propres ouvrages que je vous envoie habillés à la tartare[1]. "

Il faut lire d’un bout à l’autre cette lettre, où respirent ce ton de politesse et ce style des honnêtes gens presque oubliés de nos jours. " Le Jésuite nommé Parennin, dit Voltaire, homme célèbre par ses connaissances et par la sagesse de son caractère, parlait très bien le chinois et le tartare… C’est lui qui est principalement connu parmi nous par les réponses sages et instructives sur les sciences de la Chine aux difficultés savantes d’un de nos meilleurs philosophes[2].

En 1711, l’empereur de la Chine donna aux Jésuites trois inscriptions qu’il avait composées lui-même pour une église qu’ils faisaient élever à Pékin. Celle du frontispice portait :

" Au principe de toutes choses. "

Sur l’une des deux colonnes du péristyle on lisait :

" Il est infiniment bon et infiniment juste, il éclaire, il soutient, il règle tout avec une suprême autorité et avec une souveraine justice. "

La dernière colonne était couverte de ces mots :

" Il n’a point eu de commencement, il n’aura point de fin ; il a produit toutes choses dès le commencement ; c’est lui qui les gouverne et qui en est le véritable Seigneur. "

Quiconque s’intéresse à la gloire de son pays ne peut s’empêcher d’être vivement ému en voyant de pauvres missionnaires français

  1. Lettres édif., t. XIX, p. 257. (N.d.A.)
  2. Siècle de Louis XIV, chap. XXXIX. (N.d.A.)