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de l’Acadie, ils nous avaient livré ces côtes où s’enrichissait notre commerce et se formaient nos marins : telle est une faible partie des services que ces hommes, aujourd’hui si méprisés, savaient rendre à leur pays.


Chapitre II - Missions du Levant

Chaque mission avait un caractère qui lui était propre et un genre de souffrance particulier. Celles du Levant présentaient un spectacle bien philosophique. Combien elle était puissante cette voix chrétienne qui s’élevait des tombeaux d’Argos et des ruines de Sparte et d’Athènes ! Dans les îles de Naxos et de Salamine, d’où partaient ces brillantes théories qui charmaient et enivraient la Grèce, un pauvre prêtre catholique, déguisé en Turc, se jette dans un esquif, aborde à quelque méchant réduit pratiqué sous des tronçons de colonnes, console sur la paille le descendant des vainqueurs de Xerxès, distribue des aumônes au nom de Jésus-Christ, et, faisant le bien comme on fait le mal, en se cachant dans l’ombre, retourne secrètement au désert.

Le savant qui va mesurer les restes de l’antiquité dans les solitudes de l’Afrique et de l’Asie a sans doute des droits à notre admiration ; mais nous voyons une chose encore plus admirable et plus belle : c’est quelque Bossuet inconnu expliquant la parole des prophètes sur les débris de Tyr et de Babylone.

Dieu permettait que les moissons fussent abondantes dans un sol si riche ; une pareille poussière ne pouvait être stérile. " Nous sortîmes de Serpho, dit le père Xavier, plus consolés que je ne puis vous l’exprimer ici, le peuple nous comblant de bénédictions et remerciant Dieu mille fois de nous avoir inspiré le dessein de venir les chercher au milieu de leurs rochers[1]. "

Les montagnes du Liban, comme les sables de la Thébaïde, étaient témoins du dévouement des missionnaires. Ils ont une grâce infinie à rehausser les plus petites circonstances. S’ils décrivent les cèdres du Liban, ils vous parlent de quatre autels de pierre qui se voient au pied de ces arbres et où les moines maronites célèbrent une messe solennelle le jour de la Transfiguration ; on croit entendre les accents religieux qui se mêlent au murmure de ces bois chantés par Salomon et Jérémie et au fracas des torrents qui tombent des montagnes.

Parlent-ils de la vallée où coule le fleuve saint, ils disent : " Ces

  1. Lettres édifiantes, t. I, p. 15. (N.d.A.)