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mandarin et lettré ; chez l’Iroquois, il se faisait chasseur et sauvage. Presque toutes les missions françaises furent établies par Colbert et Louvois, qui comprirent de quelle ressource elles seraient pour les arts, les sciences et le commerce. Les pères Fontenay, Tachard, Gerbillon, Le Comte, Bouvet et Visdelou, furent envoyés aux Indes par Louis XIV : ils étaient mathématiciens, et le roi les fit recevoir de l’Académie des Sciences avant leur départ.

Le père Brédevent, connu par sa dissertation physico-mathématique. mourut malheureusement en parcourant l’Ethiopie ; mais on a joui d’une partie de ses travaux. Le père Sicard visita l’Égypte avec des dessinateurs que lui avait fournis M. de Maurepas. Il acheva un grand ouvrage sous le titre de Description de l’Égypte ancienne et moderne. Ce manuscrit précieux, déposé à la maison professe des Jésuites, fut dérobé sans qu’on en ait jamais pu découvrir aucune trace. Personne sans doute ne pouvait mieux nous faire connaître la Perse et le fameux Thamas Koulikan que le moine Bazin, qui fut le premier médecin de ce conquérant et le suivit dans ses expéditions. Le père Cœur-Doux nous donna des renseignements sur les toiles et les teintures indiennes. La Chine nous fut connue comme la France ; nous eûmes les manuscrits originaux et les traductions de son histoire ; nous eûmes des herbiers chinois, des géographies, des mathématiques chinoises ; et pour qu’il ne manquât rien à la singularité de cette mission, le père Ricci écrivit des livres de morale dans la langue de Confucius et passe encore pour un auteur élégant à Pékin.

Si la Chine nous est aujourd’hui fermée, si nous ne disputons pas aux Anglais l’empire des Indes, ce n’est pas la faute des Jésuites, qui ont été sur le point de nous ouvrir ces belles régions. " Ils avaient réussi en Amérique, dit Voltaire, en enseignant à des sauvages les arts nécessaires ; ils réussirent à la Chine en enseignant les arts les plus relevés à une nation spirituelle[1]. "

L’utilité dont ils étaient à leur patrie dans les échelles du Levant n’est pas moins avérée. En veut-on une preuve authentique ? Voici un certificat dont les signatures sont assez belles.

Brevet du roi.

" Aujourd’hui, septième de juin mil six cent soixante-dix-neuf, le roi étant à Saint-Germain-en-Laye, voulant gratifier et favorablement traiter les Pères Jésuites français, missionnaires au Levant, en

  1. Essai sur les Missions chrétiennes, cap. CXCV. (N.d.A.)