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seul, à travers les mers et les orages, venir lui redemander des captifs, dompté par une force inconnue, il accepte l’or qu’on lui présente, et l’héroïque libérateur, satisfait d’avoir rendu des malheureux à leur patrie, obscur et ignoré, reprend humblement à pied le chemin de son monastère.

Partout c’est le même spectacle : le missionnaire qui part pour la Chine rencontre au port le missionnaire qui revient, glorieux et mutilé, du Canada ; la sœur grise court administrer l’indigent dans sa chaumière ; le père capucin vole à l’incendie ; le frère hospitalier lave les pieds du voyageur ; le frère du Bien-Mourir console l’agonisant sur sa couche ; le frère Enterreur porte le corps du pauvre décédé ; la sœur de la Charité monte au septième étage pour prodiguer l’or, le vêtement et l’espérance : ces filles, si justement appelées Filles-Dieu, portent et reportent çà et là les bouillons, la charpie, les remèdes ; la fille du Bon-Pasteur tend les bras à la fille prostituée, et lui crie : Je ne suis point venue pour appeler les justes, mais les pécheurs ! L’orphelin trouve un père, l’insensé un médecin, l’ignorant un instructeur. Tous ces ouvriers en œuvres célestes se précipitent, s’animent les uns les autres. Cependant la religion, attentive et tenant une couronne immortelle, leur crie : " Courage, mes enfants ! courage ! hâtez-vous, soyez plus prompts que les maux dans la carrière de la vie ! méritez cette couronne que je vous prépare : elle vous mettra vous-mêmes à l’abri de tous maux et de tous besoins. "

Au milieu de tant de tableaux qui mériteraient chacun des volumes de détails et de louanges, sur quelle scène particulière arrêterons-nous nos regards ? Nous avons déjà parlé de ces hôtelleries que la religion a placées dans les solitudes des quatre parties du monde ; fixons donc à présent les yeux sur des objets d’une autre sorte.

Il y a des gens pour qui le seul nom de capucin est un objet de risée. Quoi qu’il en soit, un religieux de l’ordre de Saint-François était souvent un personnage noble et simple.

Qui de nous n’a vu un couple de ces hommes vénérables voyageant dans les campagnes, ordinairement vers la fête des Morts, à l’approche de l’hiver, au temps de la quête des vignes ? Ils s’en allaient, demandant l’hospitalité, dans les vieux châteaux sur leur route. A l’entrée de la nuit, les deux pèlerins arrivaient chez le châtelain solitaire : ils montaient un antique perron, mettaient leurs longs bâtons et leurs besaces derrière la porte, frappaient au portique sonore et demandaient l’hospitalité. Si le maître refusait ces hôtes du Seigneur, ils faisaient un profond salut, se retiraient en silence, reprenaient leurs besaces et leurs bâtons, et, secouant la poussière de leurs sandales, ils