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l’espèce de vœu politique du Spartiate et du Crétois, c’est qu’il vient de nous-mêmes ; qu’il ne nous est imposé par personne, et qu’il présente au cœur une compensation pour ces amours terrestres que l’on sacrifie. Il n’y a rien que de grand dans cette alliance d’une âme immortelle avec le principe éternel ; ce sont deux natures qui se conviennent et qui s’unissent. Il est sublime de voir l’homme né libre chercher en vain son bonheur dans sa volonté, puis, fatigué de ne rien trouver ici-bas qui soit digne de lui, se jurer d’aimer à jamais l’Etre suprême et se créer, comme Dieu, dans son propre serment, une nécessité.


Chapitre V - Tableau des mœurs et de la vie religieuse. — Moines, coptes, maronites, etc

Venons maintenant au tableau de la vie religieuse, et posons d’abord un principe. Partout où se trouve beaucoup de mystère, de solitude, de contemplation, de silence, beaucoup de pensées de Dieu, beaucoup de choses vénérables dans les costumes, les usages et les mœurs, là se doit trouver une abondance de toutes les sortes de beautés. Si cette observation est juste, on va voir qu’elle s’applique merveilleusement au sujet que nous traitons.

Remontons encore aux solitaires de la Thébaïde. Ils habitaient des cellules appelées laures, et portaient, comme leur fondateur Paul, des robes de feuilles de palmier ; d’autres étaient vêtus de cilices tissus de poil de gazelle ; quelques-uns, comme le solitaire Zénon, jetaient seulement sur leurs épaules la dépouille des bêtes sauvages ; et l’anachorète Séraphion marchait enveloppé du linceul qui devait le couvrir dans la tombe. Les religieux maronites, dans les solitudes du Liban, les ermites nestoriens, répandus le long du Tigre, ceux d’Abyssinie, aux cataractes du Nil et sur les rivages de la mer Rouge, tous, enfin, mènent une vie aussi extraordinaire que les déserts où ils l’ont cachée. Le moine copte, en entrant dans son monastère, renonce aux plaisirs, consume son temps en travail, en jeûnes, en prières, et à la pratique de l’hospitalité. Il couche sur la dure, dort à peine quelques instants, se relève et, sous le beau firmament d’Égypte, fait entendre sa voix parmi les débris de Thèbes et de Memphis. Tantôt l’écho des Pyramides redit aux ombres des Pharaons les cantiques de cet enfant de la famille de Joseph ; tantôt ce pieux solitaire chante au matin les louanges du vrai Soleil, au même lieu où des statues harmonieuses soupiraient