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d’hommes n’a plus honoré l’humanité que celle des évêques, et l’on ne pourrait trouver ailleurs plus de vertus, de grandeur et de génie.

Le chef apostolique devait être sans défaut de corps et pareil au prêtre sans tache que Platon dépeint dans ses Lois. Choisi dans l’assemblée du peuple, il était peut-être le seul magistrat légal qui existât dans les temps barbares. Comme cette place entraînait une responsabilité immense, tant dans cette vie que dans l’autre, elle était loin d’être briguée. Les Basile et les Ambroise fuyaient au désert, dans la crainte d’être élevés à une dignité dont les devoirs effrayaient même leurs vertus.

Non seulement l’évêque était obligé de remplir ses fonctions religieuses, comme d’enseigner la morale, d’administrer les sacrements, d’ordonner les prêtres, mais encore le poids des lois civiles et des débats politiques retombait sur lui. C’était un prince à apaiser, une guerre à détourner, une ville à défendre. L’évêque de Paris, au IXe siècle, en sauvant par son courage la capitale de la France, empêcha peut-être la France entière de passer sous le joug des Normands.

" On était si convaincu, dit d’Héricourt, que l’obligation de recevoir les étrangers était un devoir dans l’épiscopat, que saint Grégoire voulut, avant de consacrer Florentinus, évêque d’Ancône, qu’on exprimât si c’était par impuissance ou par avarice qu’il n’avait point exercé jusque alors l’hospitalité envers les étrangers[1].

On voulait que l’évêque haït le péché et non le pécheur[2] ; qu’il supportât le faible ; qu’il eût un cœur de père pour les pauvres[3]. Il devait néanmoins garder quelque mesure dans ses dons et ne point entretenir de profession dangereuse ou inutile, comme les baladins et les chasseurs[4] : véritable loi politique qui frappait d’un côté le vice dominant des Romains, et de l’autre la passion des barbares.

Si l’évêque avait des parents dans le besoin, il lui était permis de les préférer à des étrangers, mais non pas de les enrichir ; " car, dit le canon, c’est leur état d’indigence et non les liens du sang qu’il doit regarder en pareil cas[5]. "

Faut-il s’étonner qu’avec tant de vertus les évêques obtinssent la vénération des peuples ? On courbait la tête sous leur bénédiction ; on chantait Hosannah devant eux ; on les appelait très-saints, très-chers Dieu, et ces titres étaient d’autant plus magnifiques qu’ils étaient justement acquis.

Quand les nations se civilisèrent, les évêques, plus circonscrits

  1. Lois eccl. de France, p. 751. (N.d.A.)
  2. Lois eccl. de France, can. Odio. (N.d.A.)
  3. Lois eccl. de France, loc. cit. (N.d.A.)
  4. Lois eccl. de France, can. Don. qui venatoribus. (N.d.A.)
  5. Lois eccl., p. 742, can. Est probanda. (N.d.A.)