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Quant aux fidèles en général, le corps des chrétiens primitifs se distinguait en pistoi, croyants ou fidèles, et catecoumenoi, catéchumènes[1]. Le privilège des croyants était d’être reçus à la sainte table, d’assister aux prières de l’église et de prononcer l’Oraison dominicale[2], que saint Augustin appelle pour cette raison oratio fidelium et saint Chrysostome euch pistwn. Les catéchumènes ne pouvaient assister à toutes les cérémonies, et l’on ne traitait des mystères devant eux qu’en paraboles obscures[3].

Le nom de laïque fut inventé pour distinguer l’homme qui n’était pas engagé dans les ordres du corps général du clergé. Le titre de clerc se forma en même temps : laici et clhricox se lisent à chaque page des anciens auteurs. On se servait de la dénomination d’ecclésiastique tantôt en parlant des chrétiens en opposition aux Gentils[4], tantôt en désignant le clergé, par rapport au reste des fidèles. Enfin, le titre de catholique, ou d’universelle, fut attribué à l’Église dès sa naissance. Eusèbe, Clément d’Alexandrie et saint Ignace en portent témoignage[5]. Poleimon, le juge, ayant demandé à Pionos, martyr, de quelle Église il était, le confesseur répondit : De l’Église catholique, car Jésus-Christ n’en connaît point d’autre[6].

N’oublions pas, dans le développement de cette hiérarchie, que saint Jérôme compare à celle des anges, n’oublions pas les voies par où la chrétienté signalait sa sagesse et sa force, nous voulons dire les conseils et les persécutions. " Rappelez en votre mémoire, dit La Bruyère, rappelez ce grand et premier concile, où les Pères qui le composaient étaient remarquables chacun par quelques membres mutilés, ou par les cicatrices qui leur étaient restées des fureurs de la persécution : ils semblaient tenir de leurs plaies le droit de s’asseoir dans cette assemblée générale de toute l’Église. "

Déplorable esprit de parti ! Voltaire, qui montre souvent l’horreur du sang et l’amour de l’humanité, cherche à persuader qu’il y eut peu de martyrs dans l’Église primitive [NOTE 34] ; et comme s’il n’eût jamais lu les historiens romains, il va presque jusqu’à nier cette première persécution dont Tacite nous a fait une si affreuse peinture. L’auteur de Zaïre, qui connaissait la puissance du malheur, a craint qu’on ne se laissât

  1. Eus., Demonst. Evang., lib. VII, cap. II. (N.d.A.)
  2. Constit. Apost., lib. VIII, cap. VIII et XII. (N.d.A.)
  3. Théodor., Epit. div. dog., cap. XXIV ; Aug., Serm. ad Neophytos, in append., t. X, p. 845. (N.d.A.)
  4. Eus., lib. V, cap. VII, cap. XXVII ; Cyril., Catech. XV, n o 4. (N.d.A.)
  5. Eus., lib. IV, cap. XV ; Clem. Alex., Strom., lib. VII ; Ignat., cap. ad Smyrn., n o 8. (N.d.A.)
  6. Act. Pion., ap. Bar., an. 254, n o 9. (N.d.A.)