Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée

Origène, après avoir rapporté ces traditions des Juifs, ajoute " qu’un grand nombre d’entre eux avouèrent Jésus-Christ pour le libérateur promis par les prophètes [NOTE 56]. "

Cependant le ciel prépare les voies du Fils de l’Homme. Les nations, longtemps désunies de mœurs, de gouvernement, de langage, entretenaient des inimitiés héréditaires ; tout à coup le bruit des armes cesse, et les peuples, réconciliés ou vaincus, viennent se perdre dans le peuple romain.

D’un côté, la religion et les mœurs sont parvenues à ce degré de corruption qui produit de force un changement dans les affaires humaines ; de l’autre, les dogmes de l’unité d’un Dieu et de l’immortalité de l’âme commencent à se répandre : ainsi les chemins s’ouvrent à la doctrine évangélique, qu’une langue universelle va servir à propager.

Cet empire romain se compose de nations, les unes sauvages, les autres policées, la plupart infiniment malheureuses : la simplicité du Christ pour les premières, ses vertus morales pour les secondes ; pour toutes, sa miséricorde et sa charité, sont des moyens de salut que le ciel ménage. Et ces moyens sont si efficaces. que, deux siècles après le Messie, Tertullien disait aux juges de Rome : " Nous ne sommes que d’hier, et nous remplissons tout, vos cités, vos îles, vos forteresses, vos colonies, vos tribus, vos décuries, vos conseils, le palais, le sénat, le forum ; nous ne vous laissons que vos temples ; " Sola relinquimus templa[1].

A la grandeur des préparations naturelles s’unit l’éclat des prodiges : les vraies oracles, depuis longtemps muets dans Jérusalem, recouvrent la voix, et les fausses sibylles se taisent. Une nouvelle étoile se montre dans l’Orient, Gabriel descend vers Marie, et un chœur d’esprits bienheureux chante au haut du ciel, pendant la nuit : Gloire à Dieu, paix aux hommes ! Tout à coup le bruit se répand que le Sauveur a vu le jour dans la Judée : il n’est point né dans la pourpre, mais dans l’asile de l’indigence ; il n’a point été annoncé aux grands et aux superbes, mais les anges l’ont révélé aux petits et aux simples ; il n’a pas réuni autour de son berceau les heureux du monde, mais les infortunés ; et par ce premier acte de sa vie il s’est déclaré de préférence le Dieu des misérables.

Arrêtons-nous ici pour faire une réflexion. Nous voyons depuis le

  1. Tertull., Apologet., cap. XXXVII. (N.d.A.)