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plus sublime et de plus doux dans la fable possédoit la virginité ; on la donnoit à Vénus-Uranie et à Minerve, déesses du génie et de la sagesse ; l’Amitié étoit une adolescente, et la Virginité elle-même, personnifiée sous les traits de la Lune, promenoit sa pudeur mystérieuse dans les frais espaces de la nuit.

Considérée sous ses autres rapports, la virginité n’est pas moins aimable. Dans les trois règnes de la nature, elle est la source des grâces et la perfection de la beauté. Les poëtes, que nous voulons surtout convaincre ici, nous serviront d’autorité contre eux-mêmes. Ne se plaisent-ils pas à reproduire partout l’idée de la virginité comme un charme à leurs descriptions et à leurs tableaux ? Ils la retrouvent ainsi au milieu des campagnes, dans les roses du printemps et dans la neige de l’hiver ; et c’est ainsi qu’ils la placent aux deux extrémités de la vie, sur les lèvres de l’enfant et sur les cheveux du vieillard. Ils la mêlent encore aux mystères de la tombe, et ils nous parlent de l’antiquité qui consacroit aux mânes des arbres sans semence, parce que la mort est stérile, ou parce que dans une autre vie les sexes sont inconnus, et que l’âme est une vierge immortelle. Enfin ils nous disent que, parmi les animaux, ceux qui se rapprochent le plus de notre intelligence sont voués à la chasteté. Ne croiroit-on pas en effet reconnoître dans la ruche des abeilles le modèle de ces monastères où des vestales composent un miel céleste avec la fleur des vertus ?

Quant aux beaux-arts, la virginité en fait également les charmes, et les muses lui doivent leur éternelle jeunesse. Mais c’est surtout dans l’homme qu’elle déploie son excellence. Saint Ambroise a composé trois traités sur la virginité ; il y a mis les charmes de son éloquence, et il s’en excuse en disant qu’il l’a fait ainsi pour gagner l’esprit des vierges par la douceur de ses paroles[1]. Il appelle la virginité une exemption de toute souillure[2] ; il fait voir combien sa tranquillité est préférable aux soucis du mariage ; il dit aux vierges : « La pudeur, en colorant vos joues, vous rend excellemment belles. Retirées loin de la vue des hommes, comme des roses solitaires, vos grâces ne sont point soumises à leurs faux jugements ; toutefois vous descendez aussi dans la lice pour disputer le prix de la beauté, non de celle du corps, mais de celle de la vertu : beauté qu’aucune maladie n’altère, qu’aucun âge ne fane, et que la mort même ne peut ravir. Dieu seul s’établit juge de cette lutte des vierges, car il aime les belles âmes, même dans les corps hideux… Une vierge ne connoît ni les inconvénients de la gros-

  1. De Virginit., lib. I, cap. I, num. 4.
  2. Ibid., lib. II, cap. V.