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Chapitre II - Les Grecs et les Romains

Chez les Grecs et les Romains les morts ordinaires reposaient à l’entrée des villes, le long des chemins publics, apparemment parce que les tombeaux sont les vrais monuments du voyageur. On ensevelissait souvent les morts fameux au bord de la mer.

Ces espèces de signaux funèbres, qui annonçaient de loin le rivage et l’écueil au navigateur, étaient pour lui sans doute un sujet de réflexions bien sérieuses. Oh ! que la mer devait lui paraître un élément sûr et fidèle auprès de cette terre où l’orage avait brisé tant de hautes fortunes, englouti tant d’illustres vies ! Près de la cité d’Alexandre on apercevait le petit monceau de sable élevé par la piété d’un affranchi et d’un vieux soldat aux mânes du grand Pompée ; non loin des ruines de Carthage on découvrait sur un rocher la statue armée consacrée à la mémoire de Caton ; sur les côtes de l’Italie le mausolée de Scipion marquait le lieu où ce grand homme mourut dans l’exil, et la tombe de Cicéron indiquait la place où le père de la patrie fut indignement massacré.

Mais, tandis que la fatale Rome érigeait sur le rivage de la mer ces témoignages de son injustice, la Grèce, consolant l’humanité, plaçait au bord des mêmes flots de plus riants souvenirs. Les disciples de Platon et de Pythagore, en voguant sur la terre d’Égypte, où ils allaient s’instruire touchant les dieux, passaient devant l’île d’Io, à la vue du tombeau d’Homère. Il était naturel que le chantre d’Achille reposât sous la protection de Thétis ; on pouvait supposer que l’ombre du poète se plaisait encore à raconter les malheurs d’Ilion aux Néréides, ou que, dans les douces nuits de l’Ionie, elle disputait aux Sirènes le prix des concerts.


Chapitre III - Tombeaux modernes. — La Chine et la Turquie

Les Chinois ont une coutume touchante : ils enterrent leurs proches dans leurs jardins. Il est assez doux d’entendre dans les bois la voix des ombres de ses pères et d’avoir toujours quelques souvenirs au désert. A l’autre extrémité de l’Asie, les Turcs ont à peu près le même usage. Le détroit des Dardanelles présente un spectacle bien philosophique :