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Le Prêtre. " Ils ressusciteront tous, mais non pas tous comme ils étaient. "

Le Chœur. " Ils se réveilleront. "

A la communion de la messe, le prêtre dit :

" Heureux ceux qui meurent dans le Seigneur : ils se reposent dès à présent de leurs travaux, car leurs bonnes œuvres les suivent. "

Au lever du cercueil, on entonne le psaume des douleurs et des espérances. " Seigneur, je crie vers vous du fond de l’abîme : que mes cris parviennent jusqu’à vous. "

En portant le corps, on recommence le dialogue : Qui dormiunt ; " Ils dorment dans la poudre ; ils se réveilleront. "

Si c’est pour un prêtre, on ajoute : " Une victime a été immolée avec joie dans le tabernacle du Seigneur. "

En descendant le cercueil dans la fosse : " Nous rendons la terre à la terre, la cendre à la cendre, la poudre à la poudre. "

Enfin, au moment où l’on jette la terre sur la bière, le prêtre s’écrie dans les paroles de l’Apocalypse : Une voix d’en haut fut entendue, qui disait : Bienheureux sont les morts !

Et cependant ces superbes prières n’étaient pas les seules que l’Église offrît pour les trépassés : de même qu’elle avait des voiles sans tache et des couronnes de fleurs pour le cercueil de l’enfant, de même elle avait des oraisons analogues à l’âge et au sexe de la victime. Si quatre vierges, vêtues de lin et parées de feuillages, apportaient la dépouille d’une de leurs compagnes dans une nef tendue de rideaux blancs, le prêtre récitait à haute voix sur cette jeune cendre une hymne à la virginité. Tantôt c’était l’Ave, maris Stella, cantique où il règne une grande fraîcheur et où l’heure de la mort est représentée comme l’accomplissement de l’espérance ; tantôt c’étaient des images tendres et poétiques empruntées de l’Ecriture : Elle a passé comme l’herbe des champs ; ce matin elle fleurissait dans toute sa grâce, le soir nous l’avons vue séchée. N’est-ce pas là la fleur qui languit touchée par le tranchant de la charrue ; le pavot qui penche sa tête abattue par une pluie d’orage ? Pluvia cum forte gravantur.

Et quelle oraison funèbre le pasteur prononçait-il sur l’enfant décédé dont une mère en pleurs lui présentait le petit cercueil ? Il entonnait l’hymne que les trois enfants hébreux chantaient dans la fournaise et que l’église répète le dimanche au lever du jour : Que tout bénisse les œuvres du Seigneur ! La religion bénit Dieu d’avoir couronné l’enfant par la mort, d’avoir délivré ce jeune ange des chagrins de la vie. Elle invite la nature à se réjouir autour du tombeau de l’innocence : ce ne son point des cris de douleur, ce sont des cris d’allégresse