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yeux fermés, les mains croisées sur la poitrine, est recueilli dans les profondeurs de Dieu ; tout à coup ses yeux s’ouvrent, ses mains se déploient et ces mots tombent de ses lèvres :

" Celui qui règne dans les cieux et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner quand il lui plaît de grandes et de terribles leçons : soit qu’il élève les trônes, soit qu’il les abaisse, soit qu’il communique sa puissance aux princes, soit qu’il la retire lui-même et ne leur laisse que leur propre faiblesse, il leur apprend leurs devoirs d’une manière souveraine et digne de lui[1]

" Chrétiens, que la mémoire d’une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissants et souveraine de trois royaumes, appelle à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines : la félicité sans bornes aussi bien que les misères ; une longue et pénible jouissance d’une des plus nobles couronnes de l’univers. Tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune ; la rébellion, longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse ; nul frein à la licence ; les lois abolies ; la majesté violée par des attentats jusque alors inconnus, un trône indignement renversé… voilà les enseignements que Dieu donne aux rois. "

Souvenirs d’un grand siècle, d’une princesse infortunée et d’une révolution mémorable, oh ! combien la religion vous a rendus touchants et sublimes en vous transmettant à la postérité !


Chapitre XI - Funérailles du guerrier. — Convois des riches, coutumes, etc

Une noble simplicité présidait aux obsèques du guerrier chrétien. Lorsqu’on croyait encore à quelque chose, on aimait à voir un aumônier dans une tente ouverte, près d’un champ de bataille, célébrer une messe des morts sur un autel formé de tambours. C’était un assez beau spectacle de voir le Dieu des armées descendre, à la voix d’un

  1. Bossuet, Orais. fun. de la reine de la Gr. Bret. (N.d.A.)