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leur bail, les ouvriers recevaient leur paiement ; c’était le moment des mariages, des présents, des charités, des visites : le client voyait le juge, le juge le client ; les corps de métiers, les confréries, les prévôtés, les cours de justice, les universités, les mairies, s’assemblaient selon les usages gaulois et de vieilles cérémonies ; l’infirme et le pauvre étaient soulagés. L’obligation où l’on était de recevoir son voisin à cette époque faisait qu’on vivait bien avec lui le reste de l’année, et par ce moyen la paix et l’union régnaient dans la société.

On ne peut douter que ces institutions ne servissent puissamment au maintien des mœurs, en entretenant la cordialité et l’amour entre les parents. Nous sommes déjà bien loin de ces temps où une femme à la mort de son mari venait trouver son fils aîné, lui remettait les clefs et lui rendait les comptes de la maison comme au chef de la famille. Nous n’avons plus cette haute idée de la dignité de l’homme que nous inspirait le christianisme. Les mères et les enfants aiment mieux tout devoir aux articles d’un contrat que de se fier aux sentiments de la nature, et la loi est mise partout à la place des mœurs.

Ces fêtes chrétiennes avaient d’autant plus de charmes qu’elles existaient de toute antiquité, et l’on trouvait avec plaisir, en remontant dans le passé, que nos aïeux s’étaient réjouis à la même époque que nous. Ces fêtes étant d’ailleurs très multipliées, il en résultait encore que, malgré les chagrins de la vie, la religion avait trouvé moyen de donner de race en race à des millions d’infortunés quelques moments de bonheur.

Dans la nuit de la naissance du Messie, les troupes d’enfants qui adoraient la crèche, les églises illuminées et parées de fleurs, le peuple qui se pressait autour du berceau de son Dieu, les chrétiens qui, dans une chapelle retirée, faisaient leur paix avec le Ciel, les alleluia joyeux, le bruit de l’orgue et des cloches, offraient une pompe pleine d’innocence et de majesté.

Immédiatement après le dernier jour de folie, trop souvent marqué par nos excès, venait la cérémonie des Cendres, comme la mort le lendemain des plaisirs. " O homme ! disait le prêtre, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. " L’officier qui se tenait auprès des rois de Perse pour leur rappeler qu’ils étaient mortels, ou le soldat romain qui abaissait l’orgueil du triomphateur, ne donnait pas de plus puissantes leçons.

Un volume ne suffirait pas pour peindre en détail les seules cérémonies de la Semaine Sainte ; on sait de quelle magnificence elles étaient dans la capitale du monde chrétien : aussi nous n’entreprendrons