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suit pêle-mêle avec son pasteur. On entre dans des chemins ombragés et coupés profondément par la roue des chars rustiques ; on franchit de hautes barrières formées d’un seul tronc de chêne ; on voyage le long d’une haie d’aubépine où bourdonne l’abeille et où sifflent les bouvreuils et les merles. Les arbres sont couverts de leurs fleurs ou parés d’un naissant feuillage. Les bois, les vallons, les rivières, les rochers entendent tour à tour les hymnes des laboureurs. Etonnés de ces cantiques, les hôtes des champs sortent des blés nouveaux, et s’arrêtent à quelque distance pour voir passer la pompe villageoise.

La procession rentre enfin au hameau. Chacun retourne à son ouvrage : la religion n’a pas voulu que le jour où l’on demande à Dieu les biens de la terre fût un jour d’oisiveté. Avec quelle espérance on enfonce le soc dans le sillon, après avoir imploré celui qui dirige le soleil et qui garde dans ses trésors les vents du midi et les tièdes ondées ! Pour bien achever un jour si saintement commencé, les anciens du village viennent, à l’entrée de la nuit, converser avec le curé, qui prend son repas du soir sous les peupliers de sa cour. La lune répand alors les dernières harmonies sur cette fête que ramènent chaque année le mois le plus doux et le cours de l’astre le plus mystérieux. On croit entendre de toutes parts les blés germer dans la terre et les plantes croître et se développer ; des voix inconnues s’élèvent dans le silence des bois, comme le chœur des anges champêtres dont on a imploré le secours, et les soupirs du rossignol parviennent à l’oreille des vieillards assis non loin des tombeaux.


Chapitre IX - De quelques Fêtes chrétiennes. — Les Rois, Noël, etc

Ceux qui n’ont jamais reporté leur cœur vers ces temps de foi où un acte de religion était une fête de famille, et qui méprisent des plaisirs qui n’ont pour eux que leur innocence, ceux-là, sans mentir, sont bien à plaindre. Du moins, en nous privant de ces simples amusements, nous donneront-ils quelque chose ? Hélas ! ils l’ont essayé. La Convention eut ses jours sacrés : alors la famine était appelée sainte, et l’Hosannah, était changé dans le cri de vive la mort ! Chose étrange ! des hommes puissants, parlant au nom de l’égalité et des passions, n’ont jamais pu fonder une fête, et le saint le plus obscur