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pour les morts. Il présente le calice : " Seigneur, nous vous offrons la coupe de notre salut. " Il bénit le pain et le vin. " Venez, Dieu éternel, bénissez ce sacrifice. " Il lave ses mains,

" Je laverai mes mains entre les innocents… Oh ! ne me faites point finir mes jours parmi ceux qui aiment le sang. "

Souvenir des persécutions.

Tout étant préparé, le célébrant se tourne vers le peuple, et dit :

" Priez, mes frères. "

Le peuple répond :

" Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice. "

Le prêtre reste un moment en silence, puis tout à coup annonçant l’éternité : Per omnia saecula saeculorum, il s’écrie :

" Elevez vos cœurs ! "

Et mille voix répondent :

" Habemus ad Dominum : Nous les élevons vers le Seigneur. "

La préface est chantée sur l’antique mélopée ou récitatif de la tragédie grecque ; les Dominations, les Puissances, les Vertus, les Anges et les Séraphins sont invités à descendre avec la grande victime, et à répéter avec le chœur des fidèles le triple Sanctus et l’Hosannah éternel.

Enfin, l’on touche au moment redoutable. Le canon où la loi éternelle est gravée, vient de s’ouvrir : la consécration s’achève par les paroles mêmes de Jésus-Christ. " Seigneur, dit le prêtre en s’inclinant profondément, que l’hostie sainte vous soit agréable comme les dons d’Abel le juste, comme le sacrifice d’Abraham notre patriarche, comme celui de votre grand-prêtre Melchisédech. Nous vous supplions d’ordonner que ces dons soient portés à votre autel sublime par les mains de votre ange, en présence de votre divine majesté. "

A ces mots le mystère s’accomplit, l’Agneau descend pour être immolé :

" O moment solennel ! ce peuple prosterné,

Ce temple dont la mousse a couvert les portiques,

Ses vieux murs, son jour sombre et ses vitraux gothiques,

Cette lampe d’airain qui, dans l’antiquité

Symbole du soleil et de l’éternité,

Luit devant le Très Haut jour et nuit suspendue ;

La majesté d’un Dieu parmi nous descendue,

Les pleurs, les vœux, l’encens qui monte vers l’autel,

Et de jeunes beautés qui, sous l’œil maternel,

Adoucissent encor par leur voix innocente

De la religion la pompe attendrissante ;

Cet orgue qui se tait, ce silence pieux,

L’invisible union de la terre et des cieux,

Tout enflamme, agrandit, émeut l’homme sensible :