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un être intelligent et capable de vertu. On chercha donc une hostie plus digne de la nature humaine. Déjà les philosophes enseignaient que les dieux ne se laissent point toucher par des hécatombes, et qu’ils n’acceptent que l’offrande d’un cœur humilié : Jésus-Christ confirma ces notions vagues de la raison. L’Agneau mystique, dévoué pour le salut universel, remplaça le premier né des brebis ; et à l’immolation de l’homme physique fut à jamais substituée l’immolation des passions, ou le sacrifice de l’homme moral.

Plus on approfondira le christianisme, plus on verra qu’il n’est que le développement de lumières naturelles et le résultat nécessaire de la vieillesse de la société. Qui pourrait aujourd’hui souffrir le sang infect des animaux autour d’un autel, et croire que la dépouille d’un bœuf rend le ciel favorable à nos prières ? Mais l’on conçoit fort bien qu’une victime spirituelle, offerte chaque jour pour les péchés des hommes, peut être agréable au Seigneur.

Toutefois, pour la conservation du culte extérieur, il fallait un signe, symbole de la victime morale. Jésus-Christ, avant de quitter la terre, pourvut à la grossièreté de nos sens, qui ne peuvent se passer de l’objet matériel : il institua l’Eucharistie, où, sous les espèces visibles du pain et du vin, il cacha l’offrande invisible de son sang et de nos cœurs. Telle est l’explication du sacrifice chrétien, explication qui ne blesse ni le bon sens ni la philosophie ; et si le lecteur veut la méditer un moment, peut-être lui ouvrira-t-elle quelques nouvelles vues sur les saints abîmes de nos mystères.


Chapitre VI - Cérémonies et prières de la messe

Il ne reste donc plus qu’à justifier les rites du sacrifice [NOTE 29]. Or, supposons que la messe soit une cérémonie antique dont on trouve les prières et la description dans les jeux séculaires d’Horace, ou dans quelques tragédies grecques : comme nous ferions admirer ce dialogue qui ouvre le sacrifice chrétien !

V) Je m’approcherai de l’autel de Dieu.

R) Du Dieu qui réjouit ma jeunesse.

V) Faites luire votre lumière et votre vérité ; elles m’ont conduit dans vos tabernacles et sur votre montagne sainte.