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Enfin nos cantiques gaulois, les noëls mêmes de nos aïeux, avaient aussi leur mérite ; on y sentait la naïveté et comme la fraîcheur de la foi. Pourquoi, dans nos missions de campagne, se sentait-on attendri lorsque des laboureurs venaient à chanter au salut :

" Adorons tous, ô mystère ineffable !

" Un Dieu caché, etc. " ?

C’est qu’il y avait dans ces voix champêtres un accent irrésistible de vérité et de conviction. Les noëls, qui peignaient les scènes rustiques, avaient un tour plein de grâce dans la bouche de la paysanne. Lorsque le bruit du fuseau accompagnait ses chants, que ses enfants, appuyés sur ses genoux, écoutaient avec une grande attention l’histoire de l’Enfant-Jésus et de sa crèche, on aurait en vain cherché des airs plus doux et une religion plus convenable à une mère.


Chapitre IV - Des solennités de l’Église. — Du Dimanche

Nous avons déjà fait remarquer[1] la beauté de ce septième jour, qui correspond à celui du repos du Créateur ; cette division du temps fut connue de la plus haute antiquité. Il importe peu de savoir à présent si c’est une obscure tradition de la création transmise au genre humain par les enfants de Noé, ou si les pasteurs retrouvèrent cette division par l’observation des planètes ; mais il est du moins certain qu’elle est la plus parfaite qu’aucun législateur ait employée. Indépendamment de ses justes relations avec la force des hommes et des animaux, elle a ces harmonies géométriques que les anciens cherchaient toujours à établir entre les lois particulières et les lois générales de l’univers ; elle donne le six pour le travail ; et le six, par deux multiplications, engendre les trois cent soixante jours de l’année antique, et les trois cent soixante degrés de la circonférence. On pouvait donc trouver magnificence et philosophie dans cette loi religieuse, qui divisait le cercle de nos labeurs ainsi que le cercle décrit par les astres dans leur révolution ; comme si l’homme n’avait d’autre terme de ses fatigues que la consommation des siècles, ni de moindres espaces à remplir de ses douleurs que tous les temps.

Le calcul décimal peut convenir à un peuple mercantile ; mais il

  1. Première partie, liv. II, chap. I. (N.d.A.)