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par mille voix secrètes une société chrétienne correspondait avec la Divinité, et ses institutions allaient se perdre mystérieusement à la source de tout mystère.

Laissons donc les cloches rassembler les fidèles, car la voix de l’homme n’est pas assez pure pour convoquer au pied des autels le repentir, l’innocence et le malheur. Chez les sauvages de l’Amérique, lorsque des suppliants se présentent à la porte d’une cabane, c’est l’enfant du lieu qui introduit ces infortunés au foyer de son père : si les cloches nous étaient interdites, il faudrait choisir un enfant pour nous appeler à la maison du Seigneur.


Chapitre II - Du vêtement des prêtres et des ornements de l’Église

On ne cesse de se récrier sur les institutions de l’antiquité, et l’on ne veut pas s’apercevoir que le culte évangélique est le seul débris de cette antiquité qui soit parvenu jusqu’à nous ; tout dans l’Église retrace ces temps éloignés dont les hommes ont depuis longtemps quitté les rivages, et où ils aiment encore à égarer leurs pensées. Si l’on fixe les yeux sur le prêtre chrétien, à l’instant on est transporté dans la patrie de Numa, de Lycurgue ou de Zoroastre. La tiare nous montre le Mède errant sur les débris de Suze et d’Ecbatane ; l’aube dont le nom latin rappelle et le lever du jour et la blancheur virginale, offre de douces consonances avec les idées religieuses ; toujours un majestueux souvenir ou une agréable harmonie s’attache aux tissus de nos autels.

Et ces autels chrétiens, modelés comme des tombeaux antiques, et ces images du soleil vivant renfermées dans nos tabernacles, ont-ils quelque chose qui blesse les yeux ou qui choque le goût ? Nos calices avaient cherché leurs noms parmi les plantes, et le lis leur avait prêté sa forme ; gracieuse concordance entre l’Agneau et les fleurs.

Comme la marque la plus directe de la foi, la croix est aussi l’objet le plus ridicule à de certains yeux. Les Romains s’en étaient moqués, ainsi que les nouveaux ennemis du christianisme ; et Tertullien leur avait montré qu’ils employaient eux-mêmes ce signe dans leurs faisceaux d’armes. L’attitude que la croix fait prendre au Fils de l’Homme est sublime : l’affaissement du corps et la tête penchée font un contraste divin avec les bras étendus vers le ciel. Au reste, la nature n’a pas été aussi délicate que les incrédules ; elle n’a pas craint de mouler