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Chapitre III - Massillon

Si nous franchissons maintenant plusieurs siècles, nous arriverons à des orateurs dont les seuls noms embarrassent beaucoup certaines gens ; car ils sentent que des sophismes ne suffisent pas pour détruire l’autorité qu’emportent avec eux Bossuet, Fénelon, Massillon, Bourdaloue, Fléchier, Mascaron, l’abbé Poulle.

Il nous est dur de courir rapidement sur tant de richesses et de ne pouvoir nous arrêter à chacun de ces orateurs. Mais comment choisir au milieu de ces trésors ? Comment citer au lecteur des choses qui lui soient inconnues ? Ne grossirions-nous pas trop ces pages en les chargeant de ces illustres preuves de la beauté du christianisme ? Nous n’emploierons donc pas toutes nos armes ; nous n’abuserons pas de nos avantages, de peur de jeter, en pressant trop l’évidence, les ennemis du christianisme dans l’obstination, dernier refuge de l’esprit de sophisme poussé à bout.

Ainsi, nous ne ferons paraître à l’appui de nos raisonnements ni Fénelon, si plein d’onction dans les méditations chrétiennes, ni Bourdaloue, force et victoire de la doctrine évangélique ; nous n’appellerons à notre secours ni les savantes compositions de Fléchier ni la brillante imagination du dernier des orateurs chrétiens, l’abbé Poulle. O religion ! quels ont été tes triomphes ! qui pouvait douter de ta beauté lorsque Fénelon et Bossuet occupaient tes chaires, lorsque Bourdaloue instruisait d’une voix grave un monarque alors heureux, à qui dans ses revers le Ciel miséricordieux réservait le doux Massillon !

Non toutefois que l’évêque de Clermont n’ait en partage que la tendresse du génie : il sait aussi faire entendre des sons mâles et vigoureux. Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre sans doute une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la Passion de Jésus-Christ. Lisez, par exemple, cette peinture du pécheur mourant :