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apprend à connaître l’homme tel qu’il est. Le saint ne se confesse point à la terre, il se confesse au ciel ; il ne cache rien à celui qui voit tout. C’est un chrétien à genoux dans le tribunal de la pénitence, qui déplore ses fautes, et qui les découvre, afin que le médecin applique le remède sur la plaie. Il ne craint point de fatiguer par des détails celui dont il a dit ce mot sublime : Il est patient, parce qu’il est éternel. Et quel portrait ne nous fait-il point du Dieu auquel il confie ses erreurs !

" Vous êtes infiniment grand, dit-il, infiniment bon, infiniment miséricordieux, infiniment juste ; votre beauté est incomparable, votre force irrésistible, votre puissance sans bornes. Toujours en action, toujours en repos, vous soutenez, vous remplissez, vous conservez l’univers ; vous aimez sans passion, vous êtes jaloux sans trouble ; vous changez vos opérations et jamais vos desseins… Mais que vous dis-je ici, ô mon Dieu ! et que peut-on dire en parlant de vous ? "

Le même homme qui a tracé cette brillante image du vrai Dieu va nous parler à présent avec la plus aimable naïveté des erreurs de sa jeunesse :

" Je partis enfin pour Carthage. Je n’y fus pas plus tôt arrivé que je me vis assiégé d’une foule de coupables amours, qui se présentaient à moi de toutes parts… Un état tranquille me semblait insupportable, et je ne cherchais que les chemins pleins de pièges et de précipices.

Mais mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer ; car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime… Je tombai enfin dans les filets où je désirais d’être pris : je fus aimé, et je possédai ce que j’aimais. Mais, ô mon Dieu ! vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. "

Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du ciel au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre et par le souvenir des erreurs de sa vie, tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes. Nous ne connaissons point de mot de sentiment plus délicat que celui-ci : " Mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer, car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime. " C’est encore saint Augustin qui a dit cette parole : " Une âme contemplative se fait à elle-même une solitude. " La Cité de Dieu, les épîtres et quelques traités du même Père sont pleins de ces sortes de pensées.

Saint Jérôme brille par une imagination vigoureuse, que n’avait pu éteindre chez lui une immense érudition. Le recueil de ses lettres est