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Chapitre II - Des Orateurs. — Les Pères de l’Église

L’éloquence des docteurs de l’Église a quelque chose d’imposant, de fort, de royal, pour ainsi parler, et dont l’autorité vous confond et vous subjugue. On sent que leur mission vient d’en haut et qu’ils enseignent par l’ordre exprès du Tout-Puissant. Toutefois, au milieu de ces inspirations, leur génie conserve le calme et la majesté.

Saint Ambroise est le Fénelon des Pères de l’Église latine. Il est fleuri, doux, abondant, et à quelques défauts près, qui tiennent à son siècle, ses ouvrages offrent une lecture aussi agréable qu’instructive ; pour s’en convaincre, il suffit de parcourir le Traité de la Virginité[1] et l’Eloge des Patriarches.

Quand on nomme un saint aujourd’hui, on se figure quelque moine grossier et fanatique, livré, par imbécillité ou par caractère, à une superstition ridicule. Augustin offre pourtant un autre tableau : un jeune homme ardent et plein d’esprit s’abandonne à ses passions ; il épuise bientôt les voluptés, et s’étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. Il tourne son âme inquiète vers le ciel : quelque chose lui dit que c’est là qu’habite cette souveraine beauté après laquelle il soupire : Dieu lui parle tout bas, et cet homme du siècle, que le siècle n’avait pu satisfaire, trouve enfin le repos et la plénitude de ses désirs dans le sein de la religion.

Montaigne et Rousseau nous ont donné leurs Confessions. Le premier s’est moqué de la bonne foi de son lecteur ; le second a révélé de honteuses turpitudes, en se proposant, même au jugement de Dieu, pour un modèle de vertu. C’est dans les Confessions de saint Augustin qu’on

    la nouvelle lice où ils venaient de descendre : l’éloquence est un fruit des révolutions ; elle y croît spontanément et sans culture ; le sauvage et le nègre ont quelquefois parlé comme Démosthène. D’ailleurs, on ne manquait pas de modèles, puisqu’on avait entre les mains les chefs-d’œuvre du forum antique et ceux de ce forum sacré où l’orateur chrétien explique la loi éternelle. Quand M. de Montlosier s’écriait, à propos du clergé, dans l’Assemblée constituante : " Vous les chassez de leurs palais, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu’ils ont nourri ; vous voulez leurs croix d’or, ils prendront une croix de bois : c’est une croix de bois qui a sauvé le monde ! " ce mouvement n’a pas été inspiré par la démagogie, mais par la religion. Enfin Vergniaud ne s’est élevé à la grande éloquence, dans quelques passages de son discours pour Louis XVI, que parce que son sujet l’a entraîné dans la région des idées religieuses : les pyramides, les morts, le silence et les tombeaux.(N.d.A.)

  1. Nous en avons cité quelques morceaux. (N.d.A.)