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Chapitre I - Du Christianisme dans l’éloquence

Le christianisme fournit tant de preuves de son excellence, que, quand on croit n’avoir plus qu’un sujet à traiter, soudain il s’en présente un autre sous votre plume. Nous parlions des philosophes, et voilà que les orateurs viennent nous demander si nous les oublions. Nous raisonnions sur le christianisme dans les sciences et dans l’histoire, et le christianisme nous appelait pour faire voir au monde les plus grands effets de l’éloquence connus. Les modernes doivent à la religion catholique cet art du discours qui, en manquant à notre littérature, eût donné au génie antique une supériorité décidée sur le nôtre. C’est ici un des grands triomphes de notre culte ; et quoi qu’on puisse dire à la louange de Cicéron et de Démosthène, Massillon et Bossuet peuvent sans crainte leur être comparés.

Les anciens n’ont connu que l’éloquence judiciaire et politique : l’éloquence morale, c’est-à-dire l’éloquence de tout temps, de tout gouvernement, de tout pays, n’a paru sur la terre qu’avec l’Evangile. Cicéron défend un client ; Démosthène combat un adversaire ou tâche de rallumer l’amour de la patrie chez un peuple dégénéré : l’un et l’autre ne savent que remuer les passions, et fondent leur espérance de succès sur le trouble qu’ils jettent dans les cœurs. L’éloquence de la chaire a cherché sa victoire dans une région plus élevée. C’est en combattant les mouvements de l’âme qu’elle prétend la séduire ; c’est en apaisant les passions qu’elle s’en veut faire écouter. Dieu et la charité, voilà son texte, toujours le même, toujours inépuisable. Il ne lui faut ni les cabales d’un parti, ni des émotions populaires, ni de grandes circonstances, pour briller ; dans la paix la plus profonde, sur le cercueil du citoyen le plus obscur, elle trouvera ses mouvements les plus sublimes ; elle saura intéresser pour une vertu ignorée ; elle fera couler des larmes pour un homme