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historien de foi un ton, nous dirions presque un goût d’honnête homme, qui fait qu’on est disposé à croire ce qu’il raconte. On se défie au contraire de l’historien sophiste ; car, représentant presque toujours la société sous un jour odieux, on est incliné à le regarder lui-même comme un méchant et un trompeur.


Chapitre II - Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques

Il se présente ici une objection : si le christianisme est favorable au génie de l’histoire, pourquoi donc les écrivains modernes sont-ils généralement inférieurs aux anciens dans cette profonde et importante partie des lettres ?

D’abord le fait supposé par cette objection n’est pas d’une vérité rigoureuse, puisqu’un des plus beaux monuments historiques qui existent chez les hommes, le Discours sur l’Histoire universelle, a été dicté par l’esprit du christianisme. Mais, en écartant un moment cet ouvrage, les causes de notre infériorité en histoire, si cette infériorité existe, méritent d’être recherchées.

Elles nous semblent être de deux espèces : les unes tiennent à l’histoire, les autres à l’historien.

L’histoire ancienne offre un tableau que les temps modernes n’ont point reproduit. Les Grecs ont surtout été remarquables par la grandeur des hommes, les Romains par la grandeur des choses. Rome et Athènes, parties de l’état de nature pour arriver au dernier degré de civilisation, parcourent l’échelle entière des vertus et des vices, de l’ignorance et des arts. On voit croître l’homme et sa pensée : d’abord enfant, ensuite attaqué par les passions dans la jeunesse, fort et sage dans son âge mûr, faible et corrompu dans sa vieillesse. L’état suit l’homme, passant du gouvernement royal ou paternel au gouvernement républicain, et tombant dans le despotisme avec l’âge de la décrépitude.

Bien que les peuples modernes présentent, comme nous le dirons bientôt, quelques époques intéressantes, quelques règnes fameux, quelques portraits brillants, quelques actions éclatantes, cependant il faut convenir qu’ils ne fournissent pas à l’historien cet ensemble de choses, cette hauteur de leçons qui font de l’histoire ancienne un tout