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route semée des premières fleurs de l’année ; ils s’avancent vers le temple, en répétant de nouveaux cantiques ; leurs parents les suivent ; bientôt le Christ descend sur l’autel pour ces âmes délicates. Le froment des anges est déposé sur la langue véridique qu’aucun mensonge n’a encore souillée, tandis que le prêtre boit, dans le vin pur, le sang méritoire de l’Agneau.

Dans cette solennité, Dieu rappelle un sacrifice sanglant, sous les espèces les plus paisibles. Aux incommensurables hauteurs de ces mystères se mêlent les souvenirs des scènes les plus riantes. La nature ressuscite avec son Créateur, et l’ange du printemps semble lui ouvrir les portes du tombeau, comme cet Esprit de lumière qui dérangea la pierre du glorieux Sépulcre. L’âge des tendres communiants et celui de la naissante année confondent leurs jeunesses, leurs harmonies et leurs innocences. Le pain et le vin annoncent les dons des champs prêts à mûrir, et retracent les tableaux de l’agriculture ; enfin, Dieu descend dans les âmes de ces enfants pour les féconder, comme il descend en cette saison dans le sein de la terre pour lui faire porter ses fleurs et ses richesses.

Mais, dira-t-on, que signifie cette communion mystique, où la raison est obligée de se soumettre à une absurdité, sans aucun profit pour les mœurs ?

Qu’on nous permette d’abord de répondre, en général, pour tous les rites chrétiens, qu’ils sont de la plus haute moralité, par cela seul qu’ils ont été pratiqués par nos pères, par cela seul que nos mères ont été chrétiennes sur nos berceaux ; enfin, parce que la religion a chanté autour du cercueil de nos aïeux et souhaité la paix à leurs cendres.

Ensuite, supposé même que la communion fût une cérémonie puérile, c’est du moins s’aveugler beaucoup de ne pas voir qu’une solennité qui doit être précédée d’une confession générale, qui ne peut avoir lieu qu’après une longue suite d’actions vertueuses, est très-favorable aux bonnes mœurs. Elle l’est même à un tel point, que si un homme approchoit dignement, une seule fois par mois, du sacrement d’Eucharistie, cet homme seroit, de nécessité, l’homme le plus vertueux de la terre. Transportez le raisonnement de l’individuel au collectif, de l’homme au peuple, et vous verrez que la communion est une législation tout entière.

« Voilà donc des hommes, dit Voltaire (dont l’autorité ne sera pas suspecte), voilà des hommes qui reçoivent Dieu dans eux, au milieu d’une cérémonie auguste, à la lueur de cent cierges, après une musique qui a enchanté leurs sens, au pied d’un autel brillant d’or. L’imagination est subjuguée, l’âme saisie et attendrie ; on respire à