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Chapitre III - Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens

Les exemples viennent à l’appui des principes ; et une religion qui réclame Bacon, Newton, Bayle, Clarke, Leibnitz, Grotius, Pascal, Arnauld, Nicole, Malebranche, La Bruyère (sans parler des Pères de l’Église, ni de Bossuet, ni de Fénelon, ni de Massillon, ni de Bourdaloue, que nous voulons bien ne compter ici que comme orateurs), une telle religion peut se vanter d’être favorable à la philosophie.

Bacon doit sa célébrité à son traité On the Advancement of Learning et à son Novum Organum Scientiarum. Dans le premier il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement. Les sciences s’y trouvent réduites à trois : la poésie, l’histoire, la philosophie.

Dans le second ouvrage, il rejette la manière de raisonner par syllogisme, et propose la physique expérimentale pour seul guide dans la nature. On aime encore à lire la profession de foi de l’illustre chancelier d’Angleterre et la prière qu’il avait coutume de dire avant de se mettre au travail. Cette naïveté chrétienne dans un grand homme est bien touchante. Quand Newton et Bossuet découvraient avec simplicité leur tête auguste en prononçant le nom de Dieu, ils étaient peut-être plus admirables dans ce moment que lorsque le premier pesait ces mondes dont l’autre enseignait à mépriser la poussière.

Clarke dans son Traité de l’existence de Dieu, Leibnitz dans sa Théodicée, Malebranche dans sa Recherche de la vérité se sont élevés si haut en métaphysique, qu’ils n’ont rien laissé à faire après eux.

Il est assez singulier que notre siècle se soit cru supérieur en métaphysique et en dialectique au siècle qui l’a précédé. Les faits déposent contre nous : certainement Condillac, qui n’a rien dit de nouveau, ne peut seul balancer Locke, Descartes, Malebranche et Leibnitz. Il ne fait que démembrer le premier, et il s’égare toutes les fois qu’il marche sans lui. Au reste, la métaphysique du jour diffère de celle de l’antiquité, en ce qu’elle sépare, autant qu’il est possible, l’imagination des perceptions abstraites. Nous avons isolé les facultés de notre entendement, réservant la pensée pour telle matière, le raisonnement pour telle autre, etc. D’où il résulte que nos ouvrages n’ont plus d’ensemble, et que notre esprit, ainsi divisé par chapitres, offre les inconvénients