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création, le déluge, le passage de la mer Rouge, la nuée, les eaux de Mara, Naaman et le paralytique de la piscine. Les eaux ayant été adoucies par le signe de la croix, on y plongeoit trois fois le catéchumène en l’honneur de la Trinité, et en lui enseignant que trois choses rendent témoignage dans le baptême : l’eau, le sang et l’esprit.

Au sortir du Saint des Saints, l’évêque faisait à l’homme renouvelé l’onction sur la tête, afin de le sacrer de la race élue et de la nation sacerdotale du Seigneur. Puis on lui lavait les pieds, on lui mettoit des habits blancs, comme un vêtement d’innocence ; après quoi il recevoit dans le sacrement de Confirmation l’esprit de crainte divine, l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force, l’esprit de doctrine et de piété. L’évêque prononçoit à haute voix les paroles de l’Apôtre : Dieu le Père vous a marqué de son sceau. Jésus-Christ, notre Seigneur, vous a confirmé ; il a donné à votre cœur les arrhes du Saint-Esprit.

Le nouveau chrétien marchoit alors à l’autel pour y recevoir le pain des anges, en disant : J’entrerai à l’autel du Seigneur, du Dieu qui réjouit ma jeunesse. À la vue de l’autel couvert de vases d’or, de flambeaux, de fleurs, d’étoffes de soie, le néophyte s’écrioit avec le Prophète : Vous avez préparé une table devant moi ; c’est le Seigneur qui me nourrit, rien ne me manquera, il m’a établi dans un lieu abondant en pâturage. La cérémonie se terminoit par le sacrifice de la messe. Ce devoit être une fête bien auguste que celle où les Ambroise donnoient au pauvre innocent la place qu’ils refusoient à l’empereur coupable !

S’il n’y a pas dans ce premier acte de la vie chrétienne un mélange divin de théologie et de morale, de mystères et de simplicité, rien ne sera jamais divin en religion.

Mais, considéré dans une sphère plus élevée, et comme figure du mystère de notre rédemption, le baptême est un bain qui rend à l’âme sa vigueur première. On ne peut se rappeler sans regret la beauté des anciens jours, alors que les forêts n’avoient pas assez de silence, les grottes pas assez de profondeur, pour les fidèles qui venoient y méditer les mystères. Ces chrétiens primitifs, témoins de la rénovation du monde, étoient occupés de pensées bien différentes de celles qui nous courbent aujourd’hui vers la terre, nous tous chrétiens vieillis dans le siècle, et non pas dans la foi. En ce temps-là la sagesse étoit sur les rochers, dans les antres avec les lions, et les rois alloient consulter le solitaire de la montagne. Jours trop tôt évanouis ! il n’y a plus de saint Jean au désert, et l’heureux catéchumène ne