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Chapitre VI - Architecture. — Hôtel des Invalides

En traitant de l’influence du christianisme dans les arts, il n’est besoin ni de subtilité ni d’éloquence : les monuments sont là pour répondre aux détracteurs du culte évangélique. Il suffit, par exemple, de nommer Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople et Saint-Paul de Londres, pour prouver qu’on est redevable à la religion des trois chefs-d’œuvre de l’architecture moderne.

Le christianisme a rétabli dans l’architecture, comme dans les autres arts, les véritables proportions. Nos temples, moins petits que ceux d’Athènes et moins gigantesques que ceux de Memphis, se tiennent dans ce sage milieu où règnent le beau et le goût par excellence. Au moyen du dôme inconnu des anciens, la religion a fait un heureux mélange de ce que l’ordre gothique a de hardi et de ce que les ordres grecs ont de simple et de gracieux.

Ce dôme, qui se change en clocher, dans la plupart de nos églises, donne à nos hameaux et à nos villes un caractère moral que ne pouvaient avoir les cités antiques. Les yeux du voyageur viennent d’abord s’attacher sur cette flèche religieuse dont l’aspect réveille une foule de sentiments et de souvenirs : c’est la pyramide funèbre autour de laquelle dorment les aïeux ; c’est le monument de joie où l’airain sacré annonce la vie du fidèle ; c’est là que les époux s’unissent ; c’est là que les chrétiens se prosternent au pied des autels, le faible pour prier le Dieu de force, le coupable pour implorer le Dieu de miséricorde, l’innocent pour chanter le Dieu de bonté. Un paysage paraît-il nu, triste, désert, placez-y un clocher champêtre : à l’instant tout va s’animer ; les douces idées de pasteur et de troupeau, d’asile pour le voyageur, d’aumône pour le pèlerin, d’hospitalité et de fraternité chrétienne, vont naître de toutes parts.

Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, plus ces moments ont été frappants par la grandeur et la noblesse de leur caractère. On en voit un exemple remarquable dans l’hôtel des Invalides et dans l’École militaire : on dirait que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel à la voix du siècle religieux, et que le second s’est abaissé vers la terre à la parole du siècle athée.

Trois corps de logis, formant avec l’église un carré long, composent l’édifice des Invalides. Mais quel goût dans cette simplicité ! quelle beauté dans cette cour, qui n’est pourtant qu’un cloître militaire, où l’art