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Quiconque lira l’Evangile avec un peu d’attention y découvrira à tous moments des choses admirables et qui échappent d’abord, à cause de leur extrême simplicité. Saint Luc, par exemple, en donnant la généalogie du Christ, remonte jusqu’à la naissance du monde. Arrivé aux premières générations et continuant à nommer les races, il dit : Cainan qui fuit Henos, qui fait Seth, qui fuit Adam, qui fuit Dei. Le simple mot qui fuit Dei, jeté là sans commentaire et sans réflexion, pour raconter la création, l’origine, la nature, les fins et le mystère de l’homme, nous semble de la plus grande sublimité.

La religion du fils de Marie est comme l’essence des diverses religions ou ce qu’il y a de plus céleste en elles. On peut peindre en quelques mots le caractère du style évangélique : c’est un ton d’autorité paternelle mêlé à je ne sais quelle indulgence de frère, à je ne sais quelle considération d’un Dieu qui pour nous racheter a daigné devenir fils et frère des hommes.

Au reste, plus on lit les Epîtres des Apôtres, surtout celles de saint Paul, et plus on est étonné : on ne sait quel est cet homme qui dans une espèce de prône commun dit familièrement des mots sublimes, jette les regards les plus profonds sur le cœur humain, explique la nature du souverain Etre et prédit l’avenir [NOTE 18].


Chapitre III - Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaisons

On a tant écrit sur la Bible, on l’a tant de fois commentée, que le seul moyen qui reste peut-être aujourd’hui d’en faire sentir les beautés, c’est de la rapprocher des poèmes d’Homère. Consacrés par les siècles, ces poèmes ont reçu du temps une espèce de sainteté qui justifie le parallèle et écarte toute idée de profanation. Si Jacob et Nestor ne sont pas de la même famille, ils sont du moins l’un et l’autre des premiers jours du monde, et l’on sent qu’il n’y a qu’un pas des palais de Pylos aux tentes d’Ismael.

Comment la Bible est plus belle qu’Homère ; quelles sont les ressemblances et les différences qui existent entre elle et les ouvrages de ce poète : voilà ce que nous nous proposons de rechercher dans ces chapitres. Considérons ces deux monuments, qui, comme deux colonnes