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sans cesse l’ouvrage que les uns admirent et que les autres dénigrent. Il n’y a pas une position dans la vie pour laquelle on ne puisse rencontrer dans la Bible un verset qui semble dicté tout exprès. On nous persuadera difficilement que tous les événements possibles, heureux ou malheureux, aient été prévus avec toutes leurs conséquences dans un livre écrit de la main des hommes. Or, il est certain qu’on trouve dans l’Ecriture :

L’origine du monde et l’annonce de sa fin ;

La base des sciences humaines ;

Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ;

Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés comme aux rangs les plus humbles de la vie ;

Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.


Chapitre II - Qu’il y a trois styles principaux dans l’Ecriture

Entre ces styles divins, trois surtout se font remarquer :

1 o Le style historique, tel que celui de la Genèse, du Deutéronome, de Job, etc. ;

2 o La poésie sacrée telle qu’elle existe dans les psaumes, dans les prophètes et dans les traités moraux, etc.

3 o Le style évangélique.

Le premier de ces trois styles, avec un charme plus grand qu’on ne peut dire, tantôt imite la narration de l’épopée, comme dans l’aventure de Joseph, tantôt emprunte des mouvements de l’ode, comme après le passage de la mer Rouge ; ici soupire les élégies du saint Arabe, là chante avec Ruth d’attendrissantes bucoliques. Ce peuple, dont tous les pas sont marqués par des phénomènes, ce peuple pour qui le soleil s’arrête, le rocher verse des eaux, le ciel prodigue la manne, ce peuple ne pouvait avoir des fastes ordinaires. Les formes connues changent à son égard : ses révolutions sont tour à tour racontées avec la trompette, la lyre et le chalumeau ; et le style de son histoire est lui-même un continuel miracle qui porte témoignage de la vérité des miracles dont il perpétue le souvenir.