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Chapitre I - De l’Ecriture et de son excellence

C’est un corps d’ouvrage bien singulier que celui qui commence par la Genèse et qui finit par l’Apocalypse ; qui s’annonce par le style le plus clair et qui se termine par le ton le plus figuré. Ne dirait-on pas que tout est grand et simple dans Moïse, comme cette création du monde et cette innocence des hommes primitifs qu’il nous peint ; et que tout est terrible et hors de la nature dans le dernier prophète, comme ces sociétés corrompues et cette fin du monde qu’il nous représente ?

Les productions les plus étrangères à nos mœurs, les livres sacrés des nations infidèles, le Zend-Avesia des Parsis, le Veidam des Brahmes, le Coran des Turcs, les Edda des Scandinaves, les Maximes de Confucius, les poèmes sanskrits, ne nous surprennent point : nous y retrouvons la chaîne ordinaire des idées humaines ; ils ont quelque chose de commun entre eux, et dans le ton et dans la pensée. La Bible seule ne ressemble à rien : c’est un monument détaché des autres. Expliquez-la à un Tartare, à un Cafre, à un Canadien ; mettez-la entre les mains d’un bonze ou d’un derviche : ils en seront également étonnés. Fait qui tient du miracle ! Vingt auteurs, vivant à des époques très éloignées les unes des autres, ont travaillé aux livres saints, et quoiqu’ils aient employé vingt styles divers, ces styles, toujours inimitables, ne se rencontrent dans aucune composition. Le Nouveau Testament, si différent de l’Ancien par le ton, partage néanmoins avec celui-ci cette étonnante originalité.

Ce n’est pas la seule chose extraordinaire que les hommes s’accordent à trouver dans l’Ecriture : ceux qui ne veulent pas croire à l’authenticité de la Bible croient pourtant, en dépit d’eux-mêmes, à quelque chose dans cette même Bible. Déistes et athées, grands et petits, attirés par je ne sais quoi d’inconnu, ne laissent pas de feuilleter