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pensée dans un vague effrayant, et ferait marcher de front trois choses qui paraissent s’exclure, l’espérance, la mobilité et l’éternité.

Le rapport à établir entre le châtiment et l’offense peut produire ensuite dans le purgatoire tous les charmes du sentiment. Que de peines ingénieuses réservées à une mère trop tendre, à une fille trop crédule, à un jeune homme trop ardent ! Et certes, puisque les vents, les feux, les glaces prêtent leurs violences aux tourments de l’enfer, pourquoi ne trouverait-on pas des souffrances plus douces dans les chants du rossignol, dans les parfums des fleurs, dans le bruit des fontaines, ou dans les affections purement morales ? Homère et Ossian ont chanté les plaisirs de la douleur :

aruerou tetarpomesta gooio, the joy of grief.

Une autre source de poésie qui découle du purgatoire est ce dogme par qui nous sommes enseignés que les prières et les bonnes œuvres des mortels hâtent la délivrance des âmes. Admirable commerce entre le fils vivant et le père décédé ! entre la mère et la fille, entre l’époux et l’épouse, entre la vie et la mort ! Que de choses attendrissantes dans cette doctrine ! Ma vertu, à moi chétif mortel, devient un bien commun pour tous les chrétiens ; et de même que j’ai été atteint du péché d’Adam, ma justice est passée en compte aux autres. Poètes chrétiens, les prières de vos Nisus atteindront un Euryale au delà du tombeau ; vos riches pourront partager leur superflu avec le pauvre ; et pour le plaisir qu’ils auront eu à faire cette simple, cette agréable action, Dieu les en récompensera encore, en retirant leur père et leur mère d’un lieu de peines ! C’est une belle chose d’avoir, par l’attrait de l’amour, forcé le cœur de l’homme à la vertu, et de penser que le même denier qui donne le pain du moment au misérable donne peut-être à une âme délivrée une place éternelle à la table du Seigneur.


Chapitre XVI - Le Paradis

Le trait qui distingue essentiellement le Paradis de l’Elysée, c’est que dans le premier les âmes saintes habitent le ciel avec Dieu et les anges, et que dans le dernier les ombres heureuses sont séparées de l’Olympe. Le système philosophique de Platon et de Pythagore qui divise l’âme en deux essences, le char subtil qui s’envole au-dessous de la