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Grèce. Les Parques, le Cocyte, le Styx, se retrouvent dans les ouvrages de Platon. Là commence une distribution de châtiments et de récompenses inconnue à Homère. Nous avons déjà fait remarquer[1] que le malheur, l’indigence et la faiblesse étaient, après le trépas, relégués par les païens dans un monde aussi pénible que celui-ci. La religion de Jésus-Christ n’a point ainsi sevré nos âmes. Nous savons qu’au sortir de ce monde de tribulations, nous autres misérables, nous trouverons un lieu de repos, et, si nous avons eu soif de la justice dans le temps, nous en serons rassasiés dans l’éternité Sitiunt justitiam… ipsi saturabuntur[2].

Si la philosophie est satisfaite, il ne nous sera pas très difficile peut-être de convaincre les Muses. A la vérité nous n’avons point d’enfer chrétien traité d’une manière irréprochable. Ni le Dante, ni le Tasse, ni Milton, ne sont parfaits dans la peinture des lieux de douleur. Cependant quelques morceaux excellents, échappés à ces grands maîtres, prouvent que si toutes les parties du tableau avaient été retouchées avec le même soin, nous posséderions des enfers aussi poétiques que ceux d’Homère et de Virgile.


Chapitre XIV - Parallèle de l’Enfer et du Tartare. Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables

L’entrée de l’Averne, dans le sixième livre de l’Enéide, offre des vers d’un travail achevé.

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram,

Perque domos Ditis vacuas et inania regna.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus,

Et Metus, et malesuada Fames, et turpis Egestas,

Terribiles visu formae ; Lethumque Laborque,

Tum consanguineus Lethi Sopor, et mala mentis

Gaudia…

(Lib. VI, v. 268 et seq.)

  1. Première partie, sixième livre.(N.d.A.)
  2. L’injustice des dogmes infernaux était si manifeste chez les anciens, que Virgile même n’a pu s’empêcher de la remarquer : . . . . . . Sortemque animo niseratus iniquam. (Aen., lib.VI, v.332.) (N.d.A.)